Râles et abstention

S’il est une chose que les Français savent faire bien mieux que n’importe quel peuple au monde, c’est râler. Pester, protester, décrier, rejeter, contester, apostropher, moquer, maugréer, menacer, revendiquer, réclamer, manifester, exiger, injurier, enrager, mépriser, provoquer, gronder, fulminer, tempêter, gueuler… : nous avons porté cette manière de nous comporter à un point d’excellence, et notre nuancier de râleries est infini.

Alors, une campagne électorale, c’est évidemment pour nous l’occasion de déployer collectivement ce talent si particulier, et d’éclairer le monde de la lumière de nos détestations. En ce moment, le fascisme et la finance. Les uns abominent spécialement celle-ci, les autres celui-là, et une bonne part de nos compatriotes les exècrent tous deux en même temps. C’est tonique, roboratif, et sans doute y a-t-il quelque chose de sain à user ainsi de sa verve et de sa salive pour dénoncer les méfaits, réels ou fantasmés, du nationalisme xénophobe et du grand capital.

Cependant, vient un moment où il faut hiérarchiser. Or le pays, à force de râler, s’est, semble-t-il, mis dans une situation où il s’est persuadé que le choix se réduit aux caricatures qu’il se propose à lui-même. Du coup, nombre de râleurs (insoumis de gauche comme hésitants de droite) refusent l’alternative. « Au point où on en est, je m’abstiens, ou je vote blanc ! » Argument : entre la peste et le choléra, on n’est pas tenu de choisir.

Ce n’est pas pour moi le moindre motif d’étonnement que de voir des esprits parfois brillants s’enliser dans ce désir d’irresponsabilité. Je les exhorte à surmonter leurs préventions et leurs phobies. A mes amis qui sont dans ce cas, j’ai envie de dire : — Oublions un moment le plaisir de râler. Dépassons nos irritations, angoisses et détestations collectives. Recueillons-nous, faisons silence. Avons-nous vraiment affaire à la peste et au choléra ? Les deux projets, et les personnalités qui les portent (leurs racines, leur entourage), sont-ils également haïssables ? Non. Au regard de l’histoire et de la liberté, un vrai discernement s’impose, pas un mouvement d’humeur. Ne nous trompons pas de refus.

S’abonner
Notification pour
guest

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Bruno Sérignat

Le Fn fasciste ? Par quelle étrange aberration de l’esprit en est-on venu à accepter la phraséologie marxiste ? Ceux-là qui accusent savent-ils vraiment ce qu’est le fascisme, au sens réel du terme ? Dès que l’on n’accepte pas la rhétorique de la gauche, seule à même évidemment de représenter les vertus de la République, on est un “fasciste” : pourtant, je mets au défi quiconque de trouver dans les statuts du Fn une apologie même lointaine du fascisme, du vrai, pas celui que déclament les gauches et qui n’est que l’opposition à leurs idées. En tout cas, la campagne électorale a bien montré ce qu’était – par médias et groupes de pression divers interposés – la société française de l’information : dévouée corps et âme à la gauche mondialiste. Même Monsieur Mélenchon a fini par s’en rendre compte ! Peut-être Monsieur Macron sera-t-il élu mais l’opposition – de gauche comme de droite – à son européisme béat et qui totalise plus du double de ses propres voix l’empêchera probablement de terminer son mandat, du moins s’il n’opère pas quelques changements majeurs d’orientation politique, comme le centre gauche sait si bien le faire…