Je connais deux ou trois personnes qui se croient en permanence entourées d’ennemis. Croisent-elles un regard dans la rue ? On les surveille. Egarent-elles quelque chose ? On leur a volé. Elles ont chacune au moins deux téléphones, ne communiquent que par messagerie cryptée. Dès qu’elles rentrent chez elles, elles se barricadent à triple tour. Leur vie est épuisante.
« Jamais un plaisir pur, toujours assauts divers : voilà comme je vis. Cette crainte maudite m’empêche de dormir sinon les yeux ouverts. » Je peux leur réciter cent fois Le lièvre et les grenouilles, cela n’y changera rien. Elles sont enfermées dans leur paranoïa.
— Oui, mais seuls les paranoïaques survivent, affirment-elles. Cette conviction leur sert de viatique. Peu importe que s’offrent chaque jour aux yeux de tous des dizaines de contre-exemples, elles n’en démordront pas : le monde est hostile, il faut se méfier de tout, l’idée du bonheur est un leurre, et la paix de l’âme une niaiserie. Quant à moi, bien sûr, je suis un grand naïf.
Je survis moi aussi, pourtant.
Le Tao a raison. « Il n’y a pas de plus grande infortune que de croire avoir un ennemi ».
De tels comportements traduisent toujours un mauvais état mental. La psychose paranoïaque se soigne en psychiatrie.