Mourir puis manger

Je repense aux derniers jours de mon père. Il a fait un choc septique. Hospitalisé en urgence, les médecins disent que vu son grand âge et le degré d’avancement de son cancer il n’en a plus que pour quarante-huit heures, soixante-douze au maximum. A un moment il émerge de son coma, et soupire : « Adieu… Laissez-moi tranquille… Je meurs… Je veux dormir… Piquez-moi. Je n’ai pas de prière à faire. Je ne veux plus rien… Je veux dormir, je veux dormir… »

Mais il s’en sort (il vivra encore six semaines). Nous nous relayons ma sœur et moi midi et soir à l’hôpital pour l’aider à prendre ses repas. Il ne parle plus de mourir, encore moins de se faire piquer. Un jour, comme l’infirmière a du retard dans la distribution des plateaux, il m’interroge d’un ton inquiet : — Dis donc, tu leur as bien dit qu’ici j’étais pensionnaire ?

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