Les pépites de Pepys

En vidant les cartons destinés à remplir ma bibliothèque, j’ai découvert que je possédais deux exemplaires d’un livre que je n’avais jamais lu : le journal de Samuel Pepys (1633-1703). L’un d’eux provenait certainement de la collection de ma mère. Je l’ai pris, et l’ayant ouvert, j’ai picoré joyeusement pendant une heure ici et là dans ce texte direct, facétieux, sans apprêt, cocasse, extraordinairement proche et vivant.

. Chez Mrs Hunt, je trouve un Français, un de ses locataires, en train de dîner ; et juste quand j’entrai, il était en train d’embrasser ma femme, ce que je n’apprécie guère, bien qu’il n’y ait pas grand mal à cela.

8 mars. Au réveil, je me suis un peu emporté contre ma femme, quand elle me raconta qu’elle s’était procuré de l’urine de jeune chien et qu’elle s’en servait pour sa toilette.

2 août. Cet après-midi, ma femme est venue me dire qu’elle avait ses règles et m’enjoindre de m’en souvenir. Je lui demandai pourquoi, et elle me répondit qu’elle avait ses raisons. (…) Elle a dû remarquer que je n’avais pas couché avec elle depuis six mois, et elle s’imagine que je crains qu’elle ne soit enceinte d’un autre. Dieu sait si cette idée m’était jamais entrée dans la tête !

6 août (jour du seigneur). M’étant habillé, je me suis fait peigner par ma petite servante avec j’avoue que je sum demasiado kind, nuper ponendo mes mains in su des choses de son breast, mais il faut que je leave it, lest it bring me to alcune major inconvenience.

8 novembre. Comme c’était jour de jeûne, tout le monde était à l’église et moi bien tranquille au bureau.

10 mars. À vrai dire, je m’abandonne un peu au plaisir, considérant que c’est de mon âge. J’ai remarqué que la plupart des gens qui réussissent dans le monde oublient de s’amuser pendant le temps qu’ils mettent à s’enrichir. Et quand ils ont fait fortune, il est trop tard.


A l’époque où Samuel Pepys tient son journal, il est fonctionnaire, membre du conseil de l’Amirauté. L’Angleterre est en guerre avec les Provinces-Unies, la peste décime la population de Londres, et en septembre 1666 un immense incendie ravage la ville pendant plusieurs jours. Il parle bien sûr de tous ces événements, mais sur le même ton ou presque que celui dont il use pour noter la qualité de son sommeil, les humeurs de sa femme, les faveurs qu’il tire de quelques dames et domestiques (il s’exprime alors dans un étonnant sabir), ainsi que l’état de sa santé et de son appétit.

14 juin. J’étais vraiment mal en point, et suis donc rentré à la maison en fiacre pour me mettre au lit, sans aller du tout au bureau. Et, me gardant au chaud, je lâchai des vents, ce qui me soulagea.

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