La lecture est une activité de loisir grâce à laquelle on peut rester assis des heures durant dans un fauteuil tout en donnant de soi, même assoupi, l’image d’une personne occupée et respectable.
Il se peut que ce soit pour cette raison qu’un jour, alors qu’on m’avait demandé ce que j’imaginais faire de mieux dans ma vie professionnelle, j’avais répondu (j’étais très jeune alors, j’avais vingt ans) : diriger une maison d’édition comme Gallimard ou Flammarion. J’aurais tout aussi bien pu répondre « dormir et ne rien faire », tant travailler ne m’a jamais paru une fin en soi, mais enfin les réalités existent, et la nécessité de gagner sa vie est de celles qu’il est difficile de complètement ignorer. L’édition, à cet égard, semblait offrir des perspectives acceptables, sur fond de compromis solide entre besogne et distraction.
J’ai eu la bonne fortune que moins de quinze ans plus tard mon souhait se réalise. Je dois cependant rapporter que le règlement intérieur de la Librairie Ernest Flammarion, tel qu’il était affiché dans les emplacements prévus à cet effet, stipulait qu’il était « interdit de lire pendant les heures de travail ».