Le régime d’Heidegger

C’est une collision inattendue qui s’est produite autour d’un repas de fête. Une partie de l’assemblée, menée par mon beau-père, disputait d’ontologie, de Parménide à Heidegger. Une autre, conduite par deux de mes nièces, s’entretenait de régimes amaigrissants. Les deux discussions se développaient périlleusement de part et d’autre de la table.

L’accident se produisit lorsque mon beau-père, qui est un peu dur d’oreille, intercepta le propos d’une de ses petites filles. Elle disait « taille de guêpe », il comprit Heidegger. — Ah ! Tu connais Heidegger ? demanda-t-il étonné. — Non. Je n’ai pas parlé d’Heidegger, j’ai parlé de taille de guêpe. (Aïe de guê, aïe de guê, voilà ce qu’il avait entendu.)

Vu son tempérament irascible, on craignit un instant le drame. Mais il poursuivit en riant : — Est-ce qu’il avait une taille de guêpe, Heidegger ? Non, et je crois que tout le monde s’en fout.

S’abonner
Notification pour
guest

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Bertrand

Je suis heureux de n’avoir point assisté à ces indigestes discussions… Et me demande si dans son désir d’avoir toujours raison mon philosophe de père a lu ce petit livre d’Arthur Schopenhauer que je lui avais offert il y a fort longtemps.