Je repense au temps où j’habitais Vanves. Je logeais au dix-huitième et dernier étage de l’immeuble le plus haut de la ville. Le séjour donnait à l’est, sur Malakoff et Montrouge, et la chambre à l’ouest sur Issy-les-Moulineaux. La plus belle vue aurait été vers le nord, sur Paris, mais de ce côté-là le mur était aveugle. Rien de Paris n’était visible, ni Tour Eiffel, ni Invalides, ni Sacré-Coeur, ni Notre-Dame. À perte de ma vue s’étendait la banlieue. C’était un paysage morne et sans intérêt. Heureusement j’étais dans le ciel, à hauteur d’oiseau.
J’y ai longtemps vécu seul. Pour compagnie j’avais ma guitare. Les jours où je ne travaillais pas, il m’arrivait de passer des après-midi entières avec elle dans mon canapé. J’enchaînais sans me lasser les accords qui portaient le mieux mes songes (9è, 7è majeure, 6è). Il n’en sortait que rarement une composition. Quelques chansons cependant ont ainsi vu le jour, qui ont depuis disparu de mon répertoire. Certaines étaient inspirées par l’endroit, comme Sadi Carnot Street et Vanves, déjà évoquées ici.
De l’époque date aussi une curieuse chanson intitulée Fêtes. Je me souviens de l’avoir écrite dans une sorte d’écriture automatique, à la manière du Ferré d’Il n’y a plus rien ou des Amants tristes. On prend la plume, on laisse venir les mots, on se laisse guider par le rythme et la rime. Il y était question d’idylles qui mouraient sur les quais du métro, de camions qui éternuaient, de danses parmi des flocons de poussière, de prairies devenues des champs d’aéroports. Aujourd’hui un vers surtout me frappe, qui disait : « Le plaisir et l’ennui consommaient leur mariage ». Et mon Dieu, quand je me remémore le ciel de Vanves vers 1980, et ces journées vides qu’agrémentait parfois une aventure amoureuse, il me semble que tout en était dit.
Tu t’es si joliment rattrapé depuis ce mélancolique “Vanves”! Ton destin a été plus fort, heureusement pour toi -je crois- mais aussi pour nous 😊