La part qui ne retombera pas

C’était il y a sept ou huit ans. J’étais à Amou et je nettoyais la piscine. Le fond en était garni d’une poussière légère et noire, que je soulevais en volutes en poussant le balai. Elle se répandait dans l’eau au ralenti, semblable à des nuages, dans des mouvements complexes de vortex et de tourbillons. Puis, diminuée de la petite quantité qui avait été aspirée par la bonde, elle se redéposait lentement. Et je me revois très bien, face à cette image, en train de songer à la mort prochaine de mes parents, et me dire que mon chagrin serait comme cette poussière, qu’il troublerait un moment mon âme de ses sombres arabesques, avant de retomber silencieusement, et qu’on n’en parle plus.

Je ne sais pourquoi ce souvenir me revient. Depuis, ils sont morts tous les deux. Pour Maman cela fera trois ans demain. C’était en plein confinement. Je n’avais pas pu assister à son enterrement. Certes, la poussière est retombée, mais pas complètement. Il y aura toujours cette poignée de terre que je n’aurai pas jetée sur son cercueil.

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