Fanatisme et grandes choses

« Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? » Cette question, d’une actualité brûlante, nous l’entendons posée quasiment dans ces termes, par des responsables décontenancés, sur tous les plateaux télé, à chaque fois qu’il prend à un djihadiste l’idée de décapiter quelqu’un.

Telle qu’on vient de la lire cependant, la phrase date de 1764. Elle est signée Voltaire, et figure dans l’article Fanatisme de son Dictionnaire philosophique. Voltaire poursuit : « Ce sont presque toujours les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains ; ils ressemblent à ce Vieux de la montagne qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu’ils iraient assassiner tous ceux qu’il leur nommerait. »

voltaire

– Salafistes, Etat islamique, ah ! les affreux barbares ! pensons-nous. Car de notre côté, la bonne conscience est totale. Mais continuons dans notre lecture : « Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy, leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe. » Allons bon ! Qu’est-ce qu’il raconte ?… Les bourgeois de Paris, Daech, même sac, même combat ?

Je redoute la montée de la haine. Je redoute un jour où, non plus catholiques contre protestants, mais chrétiens contre musulmans, nous pourrions revivre la même chose. Je redoute ce qui se trame dans quelques esprits fanatisés ici et là. Voltaire toujours : « Guyon, Patouillet, Chaudon, Nonotte, l’ex-jésuite Paulian, ne sont que des fanatiques du coin de la rue, des misérables à qui on ne prend pas garde : mais un jour de Saint-Barthélemy ils feraient de grandes choses.» Comment s’appellent les Guyon, Patouillet, et Chaudon d’aujourd’hui ?

24 août 1572 : sans explosifs, sans Kalachnikovs, principalement à l’arme blanche et au corps à corps, 3000 morts à Paris, entre 10000 et 30000 en France.

De grandes choses.

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Céphéides

Sans compter qu’il y avait alors bien moins de différences entre catholiques et protestants. En effet, ces derniers se disputaient sur des concepts purement religieux alors que, aujourd’hui, avec l’Islam qui ne reconnait pas de séparation entre l’Église et l’État (il s’agit chez les musulmans de la mise en place d’une théocratie) les antagonismes portent également sur la conception même de la Société : c’est dire si l’on peut redouter l’avenir…