Des sourcils à la pointe du cœur

Elle s’appelait Li Qingzhao. Elle était poétesse. Son mari était mort, ses biens dispersés. Les Song avaient fui leur capitale. Elle s’était à leur suite exilée vers le sud.

Un poids énorme s’était installé sur son cœur. Elle s’endormait avec, se réveillait avec, il était toujours là, il serait toujours là, impossible de l’oublier. La distance entre elle et la rugueuse réalité du monde s’était réduite à néant. Et cependant, pour exprimer sa détresse et sa tristesse, elle trouvait encore des mots d’une délicatesse infinie :

Les fleurs s’éparpillent au gré du vent, au gré de l’eau (…)
Et ce souci
à peine chassé des sourcils
le revoici à la pointe du cœur

Peut-on dire les choses de façon plus juste et plus simple ? Les sourcils froncent et le cœur se pince ou se serre, mais même les verbes ont disparu.

(Li Ching Chao, ou Li Qingzhao 1084-1151)

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