Course landaise

Il y avait des lustres que je n’avais pas assisté à une course landaise. Celle de dimanche à Amou a réveillé en moi des souvenirs d’enfance. Je nous revois mon frère et moi chantant la marche Cazérienne (le morceau de musique traditionnel sur lequel défilent écarteurs et sauteurs au début et à la fin de la course) et marchant fièrement au pas dans le petit jardin de nos grands parents que notre imagination transformait en arènes. Nous allions affronter le danger vêtus de nos habits de lumière, et la foule admirative applaudissait nos futurs exploits.

Mais je revois aussi Maxime, notre voisin. On le voyait peu, il parlait peu. Il entrait chez lui furtivement, en sortait de même. C’était un ancien écarteur qui était resté dans le milieu des « coursayres », en acceptant le rôle plus obscur de tireur de corde. Le reste de sa vie était une énigme. Je me souviens parfaitement de son regard : il y passait parfois une lueur intense qui effaçait toute expression de lassitude. On aurait dit que des instants d’un passé radieux affleuraient soudain à la surface de sa résignation triste. Puis ses yeux se rembrunissaient.

J’étais évidemment bien incapable d’en prendre conscience à l’époque, mais c’est sans doute au contact de cet homme que j’ai commencé à comprendre que dans une existence, le chemin pouvait être très court, de la gloire à l’oubli.

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