Veillée funèbre

Mon grand-père avait une vague cousine, nettement plus âgée que lui, qui s’appelait Agnès. Elle habitait à Amou, au centre du village, une petite maison sans jardin. Le parterre du monument aux morts, situé juste derrière chez elle, en tenait lieu. Chaque fois que l’employé municipal le replantait, elle allait y cueillir des fleurs. Elle se comportait parfois ainsi de manière légèrement excentrique, ce qui, aux yeux de certains, la faisait passer pour simple d’esprit.

Un jour, son père mourut. Les amis du défunt s’assemblèrent pour veiller le corps, dans la pièce principale. Agnès était enfermée à l’étage, dans sa chambre, et (supposait-on) toute à son chagrin. C’était le soir. Chacun évoquait des souvenirs du disparu. On priait un peu, on parlait, on riait beaucoup. Soudain, descendant le petit escalier en ayant mis, dans sa démarche, une sorte de majesté douloureuse, Agnès parut, tenant à la main une bougie et son pot de chambre.

veillee-funebre.jpg

– Je vous remercie vivement d’être ici, dit-elle à l’assistance tout en vidant son pot par la fenêtre. Je suis venue vous faire une recommandation importante. Nous avons des souris dans la maison. Faites bien attention à ce qu’elles ne commencent pas le pauvre papa. 

Puis elle remonta se coucher.

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Merci pour le temps que vous passez sur ce blog et les informations que vous faites figurer. En tout cas c’est un blog utile de plus il est facile à consulter. Bonne continuation pour ce merveilleux travail.

cepheides

Il est de grandes douleurs qui ne peuvent pas (encore) s’afficher : on parle alors de sidération psychique (ce qui n’est en aucune façon un déni). Peut-être Agnès souffrit-elle d’un tel état… ce qui n’a pas dû arranger sa réputation locale !

Jacques Langlois

Agnès redoutait-elle les méfaits des souris sur son défunt père parce que le petit chat aussi était mort?