Une frontière familière

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La famille est un lieu où le temps s’est figé. On est adulte, on a quarante ou cinquante ans, mais quand on revient chez ses parents on retombe toujours un peu en enfance : cocon, chaleur, non-dits, ornières. Un rôle vous est assigné dont vous ne sortez pas.

Vous aimez ce rôle : vous vous y réfugiez, ça vous rassure, ça vous grandit. Vous ne l’aimez pas : des douleurs se réveillent, des angoisses, de vieux fantômes reviennent vous hanter. Dans tous les cas vous mesurez le décalage entre l’homme ou la femme que vous êtes dans votre vie sociale ou professionnelle, ou dans le foyer que vous avez fondé, et celui ou celle que vous êtes avec vos parents et vos frères et sœurs. Dans tous les cas vous éprouvez une sensation étrange, celle de vous dédoubler légèrement, de ne plus être tout-à-fait le ou la même dès que vous franchissez la porte familiale et familière. Une frontière temporelle et identitaire passe là.

Tout est tellement connu que les repères se troublent. Où est le vrai soi ? Qui est-il ? Comment démêler le présent du passé, le vrai du faux, l’actuel du révolu ?

Ce que vous savez déjà, sans pouvoir le comprendre, et donc quelquefois sans l’admettre, c’est que votre vérité se tient des deux côtés de la porte. 

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4 Commentaires
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Muriel

L’origine du monde…oui : il y a dans cette photo une de mise en abyme, avec l’idée de matrice, d’épanouissement successif de corolles, en chœur et en cœur, toutes dépendantes les unes des
autres…

Je trouve que ce que tu dis, Jean-Pierre est très juste. Lorsqu’on retourne dans la maison de ses parents, avec eux, on retombe peu ou prou dans le moule qu’ils nous ont forgé. Et l’on oscille
entre le peu et le prou, entre l’enfant au cocon et l’adulte qui a grandi sur sa tige…

Jacques Langlois

Si je devais la nommer, j”appellerais cette photo “L’Origine du monde”…Le titre est déjà pris mais je vois une parenté – c’est le cas de le dire- entre le tableau de Courbet et l’image
qu’évoquent pour moi ces mains entrelacées.

Brian Thompson

Très beau texte, Jean-Pierre, merci! Quand nous sommes en France, nous habitons l’appartement et la maison de campagne qui étaient à mes beaux-parents. C’est maintenant nous qui y recevons nos
enfants et petits-enfants qui ont vécu ces différentes réalités et sont très attachés à ces lieux pleins de souvenirs. Cela élargit considérablement leur monde au-delà des frontières politiques,
linguistiques, culturelles qui auraient pu être les leurs.

LN

j’adore cette photo(ton texte aussi) mais cette phots est vraiment MAGNIFIQUE