Sisyphe et Stakhanov

scarabees-bousiers_8.jpg

Je vois Sisyphe et Stakhanov comme les deux figures tutélaires des travailleurs. Sisyphe, essoufflé par la perpétuelle remontée du rocher sur la montagne, on se dit qu’il pense : « Tout ça ne va-t-il pas bientôt finir ? » Mais c’est une erreur. Car comme l’a très bien vu un philosophe du siècle dernier, il faut imaginer Sisyphe heureux. L’idée que son travail pourrait s’achever, ou même connaître une simple pause, et la nécessité corollaire dans laquelle il se trouverait d’occuper par autre chose son corps et son esprit, le plongeraient à coup sûr dans un épouvantable désarroi.

Quant à Stakhanov, bien qu’il soit Russe, et non pas Grec, et qu’il travaille sous la terre, dans la mine, c’est lui qui incarne le côté solaire du Travail : il a de l’abattage, il en est fier, et ne se demande pas une seconde si ce qu’il fait est utile : on lui a affirmé que oui, et son honneur consiste à ne jamais mettre cette affirmation en doute. D’ailleurs, il a horreur du doute. (Douter l’angoisse, il a besoin de certitudes.) Il s’attèle positivement à sa tâche, de la manière la plus zélée possible, en lui consacrant son corps et sa vie dans une extatique oblation.

 

(Après l’effort que je viens d’accomplir en méditant sur ces deux travailleurs, je m’en vais prendre mon ryhtme d’été sur ce blog : trois articles par semaine.)

S’abonner
Notification pour
guest

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
cepheides

Bien sûr, la certitude permet d’éviter (ou de retarder) l’angoisse : n’est-ce pas d’ailleurs le but et la raison ultime de toute religion ?