Passion

Nous écoutions la Passion selon Saint Jean, de Jean-Sébastien Bach, à l’église Saint Honoré d’Eylau, lorsque, non loin de nous, une dame âgée d’environ quatre-vingts ans fit un malaise. Ses voisins l’entourèrent comme ils purent : on l’allongea, on alla quérir un médecin, tout en faisant le moins de bruit possible pour ne pas perturber le concert.

Cette dame semblait souffrir intensément, mais retenait ses cris et s’efforçait elle aussi de rester silencieuse. Alors, tout-à-coup, par un renversement extraordinaire, c’est la musique qui s’est mise à exprimer sa douleur ; c’est cette Passion qui en est devenue l’illustration sonore, magnifiée, magnifique. La pauvre femme se mordait les poings, fermait les yeux, les rouvrait brusquement, jetait des regards inquiets vers le ciel de l’église, mais la musique rayonnait tout autour d’elle, et je n’ai pas pu m’empêcher de penser que ce serait un moment parfait pour mourir.

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