Noirs désirs

Cinq ans, déjà…

J’ai réagi, comme tout le monde, à cette douloureuse affaire. En écrivant une chanson. A chaud, il y a cinq ans.

J’ai longtemps hésité. Et puis j’ai décidé de la garder dans mes tiroirs. De ne jamais la chanter. Je ne veux pas en rajouter. Par respect pour la mémoire de Marie Trintignant. Et surtout, même si c’est plus difficile à comprendre, par respect pour la douleur de Cantat.

NOIRS DESIRS (un meurtre en Lituanie)

Personne au grand jamais n’aurait pu s’en douter
On le savait teigneux ténébreux exalté
Mais nul n’aurait un jour conçu l’idée infâme
Que ce pauvre chanteur pourrait tuer sa femme
Sans préméditation mais pas par accident
En la rouant de coups répétés violemment
Quatre maîtresses gifles aux yeux et au visage
Ivre d’un noir désir et d’une verte rage

Ils s’aimaient d’amour fou : pourquoi donc se méfier ?
Quand on l’a ramassée la face tuméfiée
Les pommettes bouffies d’hématomes hideux
Les lèvres éclatées le nez cassé en deux
Elle coulait à pic dans un sommeil sans fond
S’enfonçait pesamment dans un coma profond
Et quelques caillots bruns sur sa joue en séchant
Signaient le noir désir d’une couleur de sang

Au bout de quelques jours confus -mais peu importe
Un neurochirurgien nous la déclara morte
Puis un juge intervint. Bientôt les résultats
De l’autopsie à tous en pâture on jeta
Alors se déchaîna la furie médiatique
La foule a toujours soif de destins pathétiques
De légendes brisées d’exemplaires horreurs
Elle a ses noirs désirs elle aussi par malheur

Quel bruit fit cette affaire !… On dégoisa beaucoup
On pleura on hurla bien sûr avec les loups
On fit des numéros spéciaux des couvertures
(La victime il est vrai avait bien de l’allure)
On chercha le détail la photo inédite
Le scoop nauséabond qui écœure et excite
Et frappe le public de morbides stupeurs
Gonflant son noir désir jusqu’à jouir de fureur

Le drame ayant eu lieu en un lointain pays
On parla tout l’été d’un meurtre en Lituanie
On jugea le chanteur -rimes et déraison-
On l’envoya croupir justement en prison
Et puis d’autres sujets retinrent l’attention
De penser à Vilnius on eut moins l’occasion
On laissa l’assassin cassé et sans ressort
Seul à son noir désir et à son triste sort

Un dernier mot pour toi meurtri et solitaire
Un mot pour te confier un étrange mystère
Tu as commis le mal que tu ne voulais pas
Et moi qui suis certain que je ne t’aimais pas
Moi dont l’âme et la chair abhorrent la violence
Moi qui en procureur pourtant criais vengeance
Quand j’ai vu ton regard accablé digne et clair
Au bout du noir désir j’ai rencontré un frère

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