Mozart et ses seins

Un article du Monde daté du 14 février (reproduit en bas de page) rend compte du concert Mozart donné samedi dernier à l’Opéra Comique, avec Leon Fleischer à la direction d’orchestre, et François-Frédéric Guy au piano. On y lit des choses étonnantes, et fort éloignées de la critique musicale conventionnelle : la partition du Concerto pour piano n°21 y est en effet comparée à un « tissu mammaire », et les cadences écrites par le compositeur contemporain Marc Monnet à des « prothèses PIP musicales ».

Qu’est-ce que ceux qui comme moi (et comme probablement l’immense majorité des lecteurs de l’article) n’ont pas assisté au concert (un triomphe, au demeurant), peuvent y comprendre ? Que Mozart a été assimilé à une bimbo quelconque, à qui le prothésiste Monnet et le chirurgien Guy ont entrepris de refaire la silhouette, avec le maître Leon Fleisher, qui a “adoré”, dans le rôle du vieux libidineux. C’est pour le moins incongru. Si l’on s’avise en plus que les prothèses PIP ont la mauvaise réputation d’exploser dans les seins des porteuses, et d’y répandre un silicone de basse qualité chimique susceptible de déclencher de graves maladies, cela devient désobligeant, la journaliste ajoutant implicitement l’accusation de malhonnêteté, voire d’intention de nuire, à celle de mauvais goût et de tripatouillage.

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A la lecture de cette critique, le sang de François-Frédéric Guy n’a évidemment fait qu’un tour. « Nulle, indigne, vulgaire, ignorante ! », ainsi fulmine-t-il sur sa page Facebook. Moi qui sais qu’il aime passionnément la musique, toute la musique, et qu’il s’efforce régulièrement de faire connaître au public le travail – parfois peu accessible au profane – de compositeurs contemporains (on parle ici de Marc Monnet, on pourrait en citer d’autres, comme Hugues Dufourt), je comprends qu’il soit furieux de voir traiter les cadences de son ami de “prothèses PIP”.

Pour autant, je ne crois pas que la journaliste ait voulu suggérer que ce soir-là, on tentait d’assassiner Mozart. Je crois surtout qu’elle a été maladroite, et qu’en essayant de faire à la fois original (c’est réussi), pertinent (c’est raté) et drôle (c’est contestable), elle s’est pris les pieds dans le tapis et a écrit une grosse connerie. Faut-il lui jeter la pierre ? Spontanément, j’avais tendance à penser que non, mais à la réflexion je crois que François-Frédéric a raison d’être en colère, surtout que ce n’est apparemment pas la première fois qu’elle est prise en défaut. S’il accumulait, lui, les fausses notes dans ses concerts, les critiques ne se priveraient pas de le descendre. Alors, inversement, un critique qui manque, envers lui-même, à cette rigueur et à cette excellence qu’il exige des autres, pourquoi un artiste lui ferait-il des cadeaux ?

leon fleisher FFG le monde 140212

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olivier GUY

Sur le moment, on ne s’était pas rendu compte que ce concert était un PIP show, considérant les barbes fournies des protagonistes. Malgré tout, ce petit dérapage ne me semble pas mériter un déluge
d’opprobre.