Mito tibi navem

C’est une plaisanterie qui date du fond des âges. Doublement : d’abord parce qu’elle est attribuée à Cicéron ; ensuite (même si c’est un peu plus récent) parce que je l’ai apprise alors que je venais de terminer ma sixième, et, ipso facto, ma première année de latin. Elle dit ceci :

mito tibi navem prora puppique carentem

Littéralement, “je t’envoie un navire auquel il manque la proue et la poupe”. Prenons donc ce navem à l’accusatif, enlevons-lui la proue (sa première lettre) et la poupe (la dernière). Reste ave. Mito tibi ave : je t’envoie le bonjour.

Elle m’avait été enseignée par un ami vétérinaire, celui-là même qui m’avait initié aux fouilles et aux castrations. On voit que les journées passées avec lui étaient très riches. Nature et culture: j’apprenais tous azimuts. Il vient de mourir, en pleine forme pourrait-on dire : frappé par une crise cardiaque alors qu’il laçait ses chaussures pour partir se promener. Je suis allé à son enterrement. J’ai revu sa femme, et ses six filles, que j’ai toujours tenues en grande affection. C’était un moment étrange, triste mais extraordinairement serein, une après-midi d’automne au soleil jaune et doux, et sous les grands arbres du petit cimetière, en pleine campagne, parmi les champs et les fleurs, une mise en terre paisible, simple, recueillie, inexplicablement souriante.

Jean, où que tu sois : mito tibi Ave.

platane-contrejour.jpg

S’abonner
Notification pour
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires