La fuite de Maître Loup

Ce qu’il y a de génial avec La Fontaine, c’est qu’on n’a jamais fini d’en découvrir les inépuisables subtilités. Prenons le dernier vers du Loup et du Chien : Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor. Je n’avais jamais encore clairement vu ce maître loup. On doit bien sûr l’entendre, spécialement au XVIIè siècle, comme une tournure appellative habituelle, une manière plaisante de nommer quelqu’un : voir Maître Corbeau, sur son arbre perché, ou maître Jacques, dans Molière, cocher et cuisinier d’Harpagon. Mais il faut également ici comprendre maître au sens fort. Le loup refuse le collier, et cet « à son maître complaire » qui fait partie du programme proposé par le chien. Il est son propre maître, il n’en a pas d’autre, il ne peut pas concevoir d’en avoir d’autre. Et s’il s’enfuit, ce n’est pas par peur du chien, qu’il a lui-même abordé : c’est parce qu’il est horrifié d’avoir compris à son contact qu’on peut renoncer à sa liberté par confort, ou conformisme, et qu’on peut accepter, avec la meilleure conscience du monde, d’être – et de rester, sa vie durant – un valet.

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Langlois

Exclusif: on rapporte avoir vu un loup en lisière du bois de Boulogne, côté Neuilly!!!