Les Morues et le viol

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Titiou Lecoq

Les Morues est un roman de Titiou Lecoq qui vient de paraître au Diable Vauvert. Qui sont les Morues ? Trois filles de trente ans qui explorent de façon pratique et pragmatique ce que pourrait être aujourd’hui un féminisme intelligent, libéré des dogmes et des excès, et qui réfléchissent sans tabou à leur condition de femme, tout en acceptant que les principes qui gouvernent leur conduite, la vie puisse toujours les remettre en question. ( C’est si vrai qu’au cours du roman, les Morues deviendront quatre, la quatrième étant… un garçon ).

En même temps, ce roman est un portrait assez “vitriolesque” de notre époque. La RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques, fallait oser…) sert de toile de fond à une enquête sur un curieux suicide, l’opinion et les medias se passionnent pour un blogueur anonyme qui refuse tout ami et signe “Persona”, et l’héroïne, qui a dans son passé été victime d’un viol, refuse qu’on la réduise à être “celle qui a été violée”.

Je pense d’ailleurs que ces pages sur le viol (p 105 à 109), tous les hommes devraient les lire, tous ceux en tout cas qui croient qu’en situation de “un contre un” le viol n’est pas possible, que s’il a lieu c’est que la femme ne se défend pas, et donc, d’une certaine manière, qu’elle y consent. Parce que ces pages abordent justement cet aspect. Elles disent très bien que le traumatisme de la victime n’est pas dû qu’à la violence physique qu’elle subit, ni qu’au dégoût d’avoir été souillée, mais aussi à la honte de comprendre qu’elle s’est en partie laissée faire, qu’elle a inconsciemment accepté d’être victime, connement mais implacablement soumise à la loi de celui qui est, ou qu’on croit, ou qu’on a appris à croire, le plus fort.

« Il l’avait empoignée par le cou pour lui cogner le crâne contre le carrelage. C’est à ce moment-là qu’elle avait compris que c’était perdu. Elle n’avait même pas l’impression qu’il cherchait à lire la peur sur son visage. Son visage, il s’en foutait. D’elle, il s’en foutait. C’était tombé sur elle comme ça aurait pu tomber sur n’importe quelle autre femme. Elle comptait pour rien. Et puis, il s’était relevé, il avait remonté son pantalon et il était retourné dans le salon d’un pas nonchalant ».

Je conseillerais aussi cette lecture à Dominique Strauss-Kahn.

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