Les invisibles

fonderie-65-c-claire-jachymiak.jpg

© Claire Jachymiak

“Les Invisibles” est le titre d’une série de photographies prises l’an dernier, dans une fonderie de Chatillon-sur-Seine, en Côte d’Or, par Claire Jachymiak. L’entreprise était alors en redressement judiciaire, dans l’attente d’un repreneur qui s’est finalement désisté. Le reportage est devenu un témoignage sur les derniers jours d’un petit site industriel en zone rurale : l’agonie d’un lieu, l’hébétude des hommes, la noblesse inutile de leurs gestes, l’outillage d’un autre temps, l’or du métal éclairant une avant-dernière fois les murs noirs et les visages fatigués.

Tout, dans ces images, sent la fin prochaine et inéluctable. Tout est épuisé, à bout de souffle, vétuste, délabré, hors du coup. Tout, sauf la dignité blessée de ceux qui travaillaient là.

http://www.clairejachymiak.fr/les-invisibles.php 

Claire-jachymiak-Invisible.jpg

S’abonner
Notification pour
guest

5 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Nadine ZORTEA

Non, ce n’est pas fait exprès. La chanson de Bernard Lavilliers “Les mains d’or” (qui était ce lien) me semble en accord avec cette belle série de photos.

Un grand soleil noir tourne sur la vallée
Cheminée muettes – portails verrouillés
Wagons immobiles – tours abandonné
Plus de flamme orange dans le ciel mouillé

On dirait – la nuit – de vieux châteaux forts
Bouffés par les ronces – le gel et la mort
Un grand vent glacial fait grincer les dents
Monstre de métal qui va dérivant

J’voudrais travailler encore – travailler encore
Forger l’acier rouge avec mes mains d’or
Travailler encore – travailler encore
Acier rouge et mains d’or

J’ai passé ma vie là – dans ce laminoir
Mes poumons – mon sang et mes colères noires
Horizons barrés là – les soleils très rares
Comme une tranchée rouge saignée sur l’espoir

On dirait – le soir – des navires de guerre
Battus par les vagues – rongés par la mer
Tombés sur le flan – giflés des marées
Vaincus par l’argent – les monstres d’acier

J’voudrais travailler encore – travailler encore
Forger l’acier rouge avec mes mains d’or
Travailler encore – travailler encore
Acier rouge et mains d’or

J’peux plus exister là
J’peux plus habiter là
Je sers plus à rien – moi
Y’a plus rien à faire
Quand je fais plus rien – moi
Je coûte moins cher – moi
Que quand je travaillais – moi
D’après les experts

J’me tuais à produire
Pour gagner des clous
C’est moi qui délire
Ou qui devient fou
J’peux plus exister là
J’peux plus habiter là
Je sers plus à rien – moi
Y’a plus rien à faire

Je voudrais travailler encore – travailler encore
Forger l’acier rouge avec mes mains d’or
Travailler encore – travailler encore
Acier rouge et mains d’or…

arbon

Je suis ce lien et tombe sur une video invisible… Est-ce un fait exprès? 

Nadine ZORTEA
LN

Il n’y a plus d’ouvriers mais des opérateurs, il n’y plus d’industrie mais des déserts industriels, il n’y plus de regards d’hommes fiers de leur travail mais des regards rivés sur l’ordinateur en
attente de voir que la machine ne se trompe pas. Un drôle de monde où vie rime avec angoisse, perte de confiance et peut-être agonie. C’est peut-être juste le moment de tout réinventer,de tout
reconstruire avec un regard humain. Claire a su mettre ces hommes en confiance et témoigner d’un monde perdu mais c’est surtout qu’elle a mis en avant des hommes fiers et beaux.

Muriel

“Gueules noires” – paradoxalement invisibles – non de la mine mais de la fonderie…
Merci à Claire Jachymiak, et à toi-même, de nous les avoir rendu visibles, ces hommes du labeur, dans toute leur dignité, de les avoir sauvés de l’invisibilité irrémédiable avant la fermeture de
leur usine.