Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu la bulle. Elle bondissait autrefois sur un écran de télé en noir et blanc, le dimanche en fin d’après-midi. Un type en décapotable essayait de quitter un vaste et luxueux lotissement en bord de mer. Elle surgissait derrière lui, le poursuivait par sauts flasques, le rattrapait toujours. Numéro 6. Il criait: “Je ne suis pas un numéro ! Je suis un homme libre !” Irrésistible, violente, implacablement douce, la bulle le ramenait au village. Pour son bien. On était assigné à vivre à un endroit donné, pendant un temps indéfini. C’était comme ça. Il était vain de vouloir échapper à soi-même.
La bulle est réapparue récemment. C’était place de la Concorde, je l’ai vue arriver, j’ai cru qu’elle allait me prendre, mais elle est passée devant moi avant de s’éloigner rapidement, à la poursuite sans doute de quelqu’un d’autre. Je ne dois pas être assez rebelle pour la bulle, pas assez réfractaire : voilà pourquoi elle ne s’intéresse pas à mon cas et me laisse déambuler tranquillement dans le crépuscule. La révolte ne me met pas hors de moi. Selon toute vraisemblance, et à mon grand regret, je suis un conformiste qui s’ignore.
Ecrire sur un blog ou coincer la bulle, telle est la question…