Le lit de Claude Chabrol

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C’est lorsque j’étais à Sciences Po que j’ai rencontré Claude Chabrol. Il venait de publier un livre de souvenirs (il n’avait pourtant guère que 45 ans à l’époque) intitulé “Et pourtant je tourne”, dans lequel il racontait qu’il avait fait un passage éclair par la rue Saint Guillaume, avant de prendre ses jambes à son cou. Il y décrivait l’ambiance “puante de caste, de suffisance, de pédantisme” qui y régnait dans les années cinquante. Une vingtaine d’années plus tard, je trouvais que les choses n’avaient pas beaucoup changé. On faisait encore l’appel dans les cours au moyen de feuilles préimprimées où on lisait “Nom, Particule, Prénom”. C’est donc par pure provocation que j’avais choisi, comme sujet de mémoire de troisième année: “Les milieux dirigeants vus par Claude Chabrol”, pour le seul plaisir de citer cette phrase qui concluait les quelques lignes qu’il consacrait à Sciences-Po : “c’étaient des trous de balle, on ne le dira jamais assez“.

Sciences-Po, dont je viens, avec un grand bonheur, d’animer la rentrée avec des ateliers de prise de parole en public, a depuis profondément évolué. J’y reviendrai. Je m’en tiens aujourd’hui à Claude Chabrol. La rencontre avait eu lieu Boulevard du Château à Neuilly. Comme quoi, il n’avait pas fui très loin de la “haute”. Mais être au milieu d’elle procurait, disait-il, le meilleur poste d’observation.

C’est à la même époque, par le biais d’un ami commun, que je me suis lié à Jean-Yves son fils architecte, et à la jeune épouse de ce dernier. Je me souviens aussi d’avoir rencontré madame Chabrol mère, à Sardent, dans sa maison de la Creuse, où je m’étais rendu à l’invitation de Jean-Yves. Petite, vive et chaleureuse, elle m’avait logé dans la chambre de Claude, (qui n’était pas là), qu’elle appelait aussi la chambre de Jean-Claude, parce que c’est là que Jean-Claude Brialy avait séjourné pendant tout le tournage du Beau Serge. Et voilà comment j’ai dormi dans son (leur) lit.

Le temps a passé, je ne vois plus Jean-Yves, mais j’ai gardé des relations amicales avec sa femme, (devenue son ex-femme), qui est aussi la mère de ses enfants.

Jeudi dernier, j’ai reçu le faire-part de naissance d’Arthur Chabrol, arrière petit-fils de Claude. Puis Claude est mort dimanche. L’un arrive, l’autre s’éteint. Il paraît que c’est souvent comme ça.

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PS 1: voir aussi le commentaire de “Soir de Paris“, pour des souvenirs de Jacques Langlois concernant Claude Chabrol.

PS 2: si on fait le compte, j’ai donc connu cinq générations de Chabrol.

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Jacques Langlois

A l’époque dont tu parles, ce qu’il m’aurait plu de trouver dans ce lit-là, c’est Stéphane Audran!