Sciences Po et la diversité

Ce qui me frappe aujourd’hui à Sciences Po, par rapport à l’école que j’ai connue, et plus encore sans doute par rapport à celle qu’avait connue Claude Chabrol, c’est la simplicité, la diversité et l’intelligence des étudiants. Je suis émerveillé par leur ouverture et leur capacité d’écoute. Je ne dirais pas qu’il ne reste aucune trace de l’élitisme social que Sciences Po a longtemps perpétué, mais il est aujourd’hui suffisamment dilué pour être perçu comme agréable. Le mérite de cette évolution est en grande partie à mettre au crédit de l’élargissement du recrutement, grâce aux conventions d’éducation prioritaires qui permettent d’accueillir des élèves en provenance de zones défavorisées ou sensibles. Ce qui a fait -et continue à faire- couler beaucoup d’encre.

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Même parmi les élèves, c’est un sujet qui fait encore débat. Ceux qui intègrent Sciences Po avec la mention Très Bien au bac, ou parce qu’ils ont réussi le très sélectif concours d’entrée, ont parfois le sentiment qu’on dévalorise leur futur diplôme en offrant via cette convention une voie d’accès à des personnes qui ne pourraient autrement franchir l’obstacle. Dans l’un des groupes que j’ai animés récemment, la question est venue sur le tapis.

L’un des étudiants, entré par les voies “classiques”, exprima ses doutes et son malaise : un concours, une mention, c’étaient des critères objectifs et il fallait s’en tenir là. Une jeune fille arrivée par la convention, en guise de réponse, raconta le milieu social d’où elle venait, décrivit les conditions dans lesquelles vivait sa famille, et le travail continu qu’on avait exigé d’elle depuis la classe de seconde pour qu’elle puisse espérer être prise à Sciences-Po. Elle se demanda sans ironie aucune si tous ceux qui avaient réussi le concours auraient été capables d’aller au bout du parcours qui avait été le sien.

Elle avait parlé de façon tranquille et souriante. Elle ne se sentait pas du tout une étudiante au rabais. Elle était fière d’être à Sciences-Po, et s’en sentait digne. Après l’avoir entendue, le débat était clos. Tout le monde était d’accord avec elle.

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arbon

Pour moi aussi, c’était très enrichissant.

Bonne route, Margaux. Yasala adounia.

Margaux Dolenc

L’importance du respect de l’autre, de la tolérance. Savoir, de temps en temps, oublier les stereotypes..
C’etait deux semaines vraiment enrichissante. Merci.

Clo

Pas si mauvais que ça, Sciences-Po … ce côté caste était certes caricatural, mais il y avait aussi des élèves (dont je faisais partie) qui bénéficiaient d’une bourse de Service Public et surtout
des profs très brillants. Je me souviens en particulier de l’économiste Serge Christophe Kolm, j’avais la chance de l’avoir comme maître de conférence, lors d’une discussion il avait établi un
parallèle entre sa théorie de la réciprocité et l’approche du sociologue Alfred Mauss sur le « don et le contre don », c’était époustouflant ! Quand je t’écoute parler des promotions actuelles
& de la nouvelle pédagogie, je me dis que j’aimerais refaire Sciences-Po en 2010, enfin probablement un mix d’hier et d’aujourd’hui…