La planche et le commandant

La maison était située en bas d’une rue en pente. Lorsqu’il pleuvait fort, l’eau dévalait la côte, engorgeait rapidement les égouts, et bouillonnait devant chez nous. En ces circonstances, mon grand-père décidait de “mettre la planche”. C’était une planche en bois d’un mètre de long sur vingt centimètres de large, qu’on calait devant la porte d’entrée dans des encoches prévues à cet effet, et qui faisait barrage pour empêcher l’eau d’inonder notre intérieur.

Mais nous habitions un pays à orages, et une fois par saison environ, le dispositif se révélait insuffisant. Le torrent de pluie passait par-dessus la planche. L’eau se répandait alors sur le carrelage du rez-de-chaussée. Installé sur les marches de l’escalier, mon frère très inquiet regardait mes grands-parents mener un combat incertain à coups de seaux et de serpillères.

Un jour que l’orage était particulièrement violent, tous les moyens mis en œuvre pour le contenir s’avérèrent dérisoires. L’eau envahit la pièce du bas jusqu’à venir battre la première marche de l’escalier. Alors mon frère hurla : – Appelez le commandant ! Appelez le commandant !

Le commandant, c’était notre voisin le militaire : dans l’esprit de mon frère, puisqu’il était commandant, il devait bien aussi avoir le pouvoir de commander aux flots. 

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