Il m’est arrivé récemment de parler à quelqu’un de quelqu’un d’autre, qui se trouvait dans la même pièce que nous, mais que je désignais à la troisième personne.
On m’en fit justement le reproche, car dire « il » ou « elle » en parlant d’une personne qui est présente constitue, sous des dehors anodins, quelque chose d’extrêmement grossier ou violent. Et j’étais en effet ce jour-là de fort mauvaise humeur (cela m’arrive), et irrité contre celui que je nommais « il ».
Le lendemain, je lus par hasard un article de journal où était cité ce passage de Roland Barthes qui me stupéfia : « Il » est méchant. C’est le mot le plus méchant de la langue : pronom de la non-personne, il annule et mortifie son référent ; on ne peut l’appliquer sans malaise à qui l’on aime ; disant de quelqu’un « il », j’ai toujours en vue une sorte de meurtre par le langage (Roland Barthes par Roland Barthes, Seuil, 1975).
Martin Buber
Une sorte de meurtre… Barthes n’y allait pas de main morte. J’ai voulu en savoir plus, et je n’ai pas tardé à trouver Martin Buber, et son livre Je et Tu (1935). Buber, philosophe et poète, y explique que notre relation au monde est duelle. Le “Je” n’existe pas indépendamment d’un “Tu” ou d’un “cela”. Et si la relation Je-Tu fonde le dialogue, dans lequel l’autre est reconnu comme être singulier, le rapport Je-Il, ou Je-cela, s’ancre dans le monologue, et transforme l’autre en objet. Or l’homme ne s’accomplit que dans l’ouverture à l’autre, et dans l’acceptation du risque qu’il prend d’être transformé par lui. C’est face au “Tu” qu’il advient à lui-même. Poser l’autre en “Il” est une réification, un acte de fermeture dans lequel “Je” ne s’épanouira jamais.
Une nouvelle fois, j’étais ramené à Ibn Arabi et à son Lunatic Lover, dont je redécouvrais, par cet étrange détour, l’inimaginable profondeur.
Leo Putz le 15 sept 2007
Extrait du sermon de bénédiction de notre mariage, église de montsoreau. Notre ami Léo citait Martin Buber ” au travers de chaque réalité naturelle humaine ou spirituelle (…) dans chaque toi nous
nous adressons à l’éternel Toi”. Et il ajoutait : plein de vénération le “moi” s’approche du “toi” comme d’un sanctuaire qui lui est confié. Il ne le réquisitionne pas pour le posséder. Il ne le
manipule pas selon son propre modèle. Le “moi” s’offre au “toi” pour le développer et l’épanouir.
Quand nous sommes arrivés en bourgogne, j’ai été confrontée à cela chaque jour. Les personnes parlaient de moi en disant “elle” alors que je me trouvais à quelques centimètres de ces dernières.
J’en ai conclu que je n’étais personne et que l’adaptation à cette région serait dure!!! 10 après on continue à m’interpeller de cette façon dès lors que je suis présentée à quelqu’un et qu’arrive
la fameuse question bien évidement posée à mon mari “Et qu’est-ce qu’elle fait? “.Je trouve ça toujours aussi humiliant.Je ne suis que mère de famille et je suppose qu’en me voyant ça se voit. Les
mères ne sont donc rien, ni personne! triste monde!