Florence Cassez, René Descartes, Nicolas Sarkozy, Bertrand Cantat

C’est compliqué, cette affaire Cassez. Tout le monde a désormais un avis, et le donne, alors que tout le monde devrait la fermer. Moi qui évite d’habitude de commenter l’actualité, cette fois, en bon mouton de Panurge, j’y vais.

« Ne jamais recevoir aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle » : c’est la première règle de la méthode de Descartes. Il est bon de la rappeler (les Français, peuple réputé cartésien, ne la respectent en effet pas beaucoup). Que sais-je d’évidemment vrai dans cette affaire ?

Sur le fond, pas grand chose. Une française tombe amoureuse d’un type dont le business est d’enlever les gens et d’en retirer une rançon. Elle vit avec lui pendant plusieurs mois dans le ranch même où sont retenus les otages. Des témoignages de victimes l’accusent d’avoir pris une part active à leur détention. Elle, elle prétend n’avoir rien vu ni rien entendu. Si les témoins la chargent, c’est que la justice veut une coupable. C’est parole contre parole. Il y a sans doute des éléments concrets, mais on n’y a pas accès.

Sur la façon dont la justice a été rendue, pas plus. Plusieurs tribunaux mexicains ont tranché en déclarant Florence Cassez coupable. Ils ont peut-être été impartiaux, ils ont peut-être été manipulés. Le Mexique est un pays démocratique, mais traîne une forte réputation de corruption. Le Guide bleu du Mexique (Hachette, édition 2004) écrit : si vous avez un problème, surtout ne prévenez pas la police. Les Mexicains sont-ils tous ripoux ? Evidemment non. Mais ceux qui ont instruit et jugé l’affaire ? Va savoir… Quant à la peine elle-même, 60 ans, elle paraît très lourde au regard des critères français. Mais personne ici ne s’indigne qu’aux USA, M. Madoff, qui n’est reconnu coupable que d’avoir enlevé de l’argent (beaucoup) à des gens aisés, purge une peine de 125 ans de prison.

Sur le traitement par les medias, en revanche, quelques certitudes apparaissent.Florence-Cassez-1.png

De ces deux photos de Florence Cassez, on nous montre beaucoup plus souvent celle du haut que celle du bas. J’ai lu que quelqu’un trouvait que la première faisait penser à une campagne de la SPA. « Mettez un chien derrière les barreaux dans la même attitude, (grands yeux tristes, tête penchée), vous aurez des centaines de demandes d’adoption », écrit en substance – et assez brutalement – cette personne. L’autre cliché déclenche moins spontanément la sympathie, et semble davantage utilisé dans la presse mexicaine. On est tous des “Janus bifrons“, avec un côté clair et un côté obscur. Les medias fonctionnant sur l’émotion, ils choisissent l’un des deux.

Florence Cassez 2

Enfin, sur le volet diplomatique de l’affaire (dont le moins qu’on puisse en dire est que la façon dont il est conduit par les autorités françaises rencontre jusqu’ici un succès limité), il finit même par jouer contre Florence Cassez, tant l’attitude de Nicolas Sarkozy irrite une partie de l’opinion. Témoin ce commentaire d’un lecteur du Monde : « Je m’étonne d’une chose : comment notre président qui a tendance à parler de “présumés coupables” à la moindre occasion en France à propos de personnes non encore jugées et souvent disculpées par la suite, peut-il “certifier innocent” tout Français blanc (pour les autres, c’est beaucoup moins systématique) jugé coupable par un tribunal étranger ? »

Bref, je ne sais rien, je sais que je ne sais rien, rien d’« évidemment vrai ». Je sais juste que je ne veux pas hurler avec les loups. Que le doute doit lui profiter. Qu’elle a droit, dans toute la mesure du possible, à une seconde chance. Et que même si elle est coupable, même si elle a fait un tragique faux pas, je pense à elle comme je pensais jadis à Bertrand Cantat. Je ne peux pas m’empêcher de voir en elle une petite soeur.

PS: Pour un résumé de l’affaire (critiqué cependant comme trop favorable à la Française), voir l’article de Wikipedia.

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Affaire Cassez : la vérité !
Recherche: israel vallarta, cassez florence, florence cassez coupable

Nicolas Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, ont choisi de sacrifier la relation entre la France et l’un des pays les plus importants d’Amérique latine, le
Mexique, officiellement au nom de « l’innocence d’une Française », en réalité au nom d’une pitoyable stratégie de communication émotionnelle à usage intérieur. En France, au plus haut niveau de
l’Etat, l’instrumentalisation du sentiment s’est désormais substituée, dans tous les domaines (sécurité, justice, économie…), à la vraie politique, laquelle consisterait à traiter en profondeur la
racine des problèmes. Les gouvernants français ne savent plus que larmoyer devant des micros tout en s’agrippant aux caméras.

En décembre 2005, l’arrestation d’Israel Vallarta et de sa compagne française, Florence Cassez, sonne le glas d’un terrible gang de kidnappeurs, « Los Zodiacos » lequel s’est rendu coupable de
dizaines d’enlèvements, d’assassinats, de tortures et de viols. Plusieurs victimes, hommes, femmes et enfants témoignent et accusent Florence Cassez d’avoir participé aux séquestrations d’otage
(qui se passaient dans le ranch où elle vivait avec son compagnon).

Voici un extrait du témoignage écrit de la dernière victime du clan « Los Zodiacos », paru dans la presse mexicaine et occulté par la presse française :

« Mon nom est Cristina Rios Valladares. J’ai été victime d’une prise d’otage, aux côtés de mon époux Raul et de mon fils Christian qui avait 11 ans (…) Nous avons appris la nouvelle de la peine de
prison que Florence Cassez méritait, cette femme dont j’avais écouté la voix à maintes reprises pendant ma captivité. Une voix d’origine française qui bourdonne encore aujourd’hui dans mes
oreilles. Une voix que mon fils reconnaît comme celle de la femme qui lui a pris du sang pour l’envoyer à mon époux, avec une oreille qui lui ferait penser qu’elle appartenait à mon fils (…)
Maintenant j’apprends que cette Florence réclame justice et clame son innocence. Et moi j’entends dans ces cris la voix de la femme qui, jalouse et furieuse, hurlait sur Israel Vallarta, son petit
ami et chef de la bande, que s’il recommençait à s’approcher de moi, elle se vengerait sur ma personne ».

Les partis dominants, à l’unisson, semblent vouloir faire de Florence Cassez un nouveau Alfred Dreyfus.

Seulement, le problème pour les membres de la classe politico-médiatique française, c’est que le Mexique dispose d’un vrai système judiciaire, et que les faits sont accablants pour Florence Cassez.
Les témoignages sont là, et il est difficile par ailleurs (simple remarque de bon sens) de faire croire que Florence Cassez ait pu vivre pendant des années dans un ranch où s’activaient une bande
de tueurs, avec des armes et des munitions partout, des otages cachés et souvent torturés, ceci sans n’avoir jamais rien remarqué ! Pour prétendre que Florence Cassez est innocente ou qu’elle est
une victime, il faudrait pouvoir invalider le témoignage de Cristina Rios, celui de son mari et celui de son enfant : une mère violée, un père meurtri et un enfant terrorisé. Invalider aussi celui
d’un autre kidnappeur mexicain, David Orozco Hernández, qui soutient que Florence Cassez partageait la direction des “Zodiacos” avec son compagnon Israel Vallarta : « Florence Cassez nous a rejoint
en 2004, et son influence pour imposer et isoler le chef, ou plutôt s’isoler avec lui, ont largement contribué à semer la discorde au sein de l’organisation… Ses fonctions dans la bande
consistaient à planifier les rapts et à organiser le recouvrement des rançons… Israel et la Francesa tenaient beaucoup à garder le secret, vis-à-vis des autres membres du groupe, sur les cibles
potentielles des enlèvements et la réalité des sommes obtenues des familles d’otages… Ils estimaient que ces informations stratégiques n’avaient pas lieu d’être partagées. » (Sources : La Jornada,
El Universal, Radio Trece, El Porvenir, 12-13 mai 2008, Mexico). L’Agence France-Presse a aussitôt publié un communiqué qui se garde bien d’entrer dans le détail des révélations de David Orozco
Hernández, mais donne très largement la parole aux avocats français et mexicains de Florence Cassez. Tous les médias français ont aussitôt emboité le pas.

Le mensonge par omission, la sélection et l’orientation des faits, tel que le pratiquent chaque jour les médias français, privent les citoyens français des éléments indispensables à l’objectivité
et à la liberté de leur propre jugement. Face au “mythe Cassez” – la belle Innocente contre une Police et une Justice mexicaines intégralement et nécessairement corrompues – les enquêtes de police,
le témoignage des victimes, l’aveu des comparses et l’évidence elle-même comptent pour rien. Oui, la mésinformation systématique est devenue le pain quotidien des Français !

Au moment où la diplomatie française semble être définie par la famille Cassez, il convient de remarquer que celle-ci n’a pas toujours dit la vérité. Ainsi, les parents de Florence Cassez ont-ils
affirmé à la presse française qu’ils ne connaissaient pas le compagnon de Florence, Israel Vallarta. Manque de chance, la presse mexicaine a publié les photos de Bertrand Cassez, le père, en train
de trinquer avec Israel Vallarta dans le ranch Las Chinitas, à 29 km de Mexico !

Les parents de Florence Cassez, accueillis au ranch d’Israël

Bertrand Cassez, le père de la criminelle Florence Cassez, qui affirme n’avoir « jamais rencontré » Israël Vallarta, trinque ici avec lui.

Cette affaire Cassez fait penser à celle des deux Françaises, Sarah Zaknoun et Cécile Faye, emprisonnées en 2008 en République dominicaine pour trafic de drogue, et graciées en décembre 2009 par le
président dominicain à la suite d’une campagne médiatique puis politique, depuis Paris. Heureusement pour les deux gentilles « vacancières », le président dominicain voulait faire plaisir à son
homologue français. Mais la justice dominicaine n’avait pourtant pas été prise d’hallucination collective, pas plus que celle du Mexique et des victimes qui ont témoigné !

Il semble donc qu’en France, il y a des théories du complot autorisées et d’autres qui ne le sont pas. Il est par exemple autorisé et même encouragé de penser (reprenez les chroniques de
pseudo-experts de la Russie après le récent attentat de l’aéroport de Moscou) que les Russes s’infligent des attentats tout seuls, comme il est manifestement souhaitable de penser qu’une Française
puisse être victime d’un gigantesque complot hier dominicain, aujourd’hui mexicain. Décidément, ne sont pas forcément xénophobes ceux que l’on croit.

Il convient aussi de penser à l’affaire Cesare Battisti, ce terroriste italien d’extrême gauche que les médias français s’étaient mis en tête de faire libérer, au mépris de la justice italienne et
des relations avec ce pays voisin, ami et allié de la France.

Pensons aussi à la gestion de l’affaire Ingrid Bétancourt qui fut lamentable pour les relations de la France avec la Colombie.

La classe politico-médiatique française a tout faux dans ces affaires ! Les membres de cette classe affichent devant le monde entier un mépris pour la justice et la souveraineté des pays étrangers,
comme si d’ailleurs la justice et la démocratie françaises étaient exemplaires !

En définitive, le problème fondamental de la diplomatie française en Amérique latine ne tient-il pas au fait que les gouvernants français n’y aient aucune habitude de vacances ? S’ils avaient des
villas en Colombie, ou s’ils se doraient sur les plages du Mexique, plutôt qu’en Tunisie ou en Egypte, peut-être feraient-ils preuve de moins d’arrogance ?

Ces opérations médiatiques à usage intérieur, qui visent ici, notamment pour le ministre des Affaires étrangères, Mme Michèle Alliot-Marie, à se refaire à bon compte une image émotionnelle positive
après l’affaire de Tunisie, ne sont pas dignes du gouvernement de la France. Cette politique émotionnelle, « du coup médiatique », qui contamine jusqu’à la politique étrangère française, est
devenue absolument insupportable ; elle finira d’ailleurs par se montrer contre-productive pour ceux qui en usent. Car si les Français ont des émotions et peuvent tomber dans ce genre de piège, ils
comprennent par ailleurs de plus en plus que le pays est gouverné dans l’instant, sans vision stratégique, et que sa tête se pose de moins en moins la question du bien commun.

Comme lien complémentaire, je vous invite à prendre connaissance du communiqué du groupe Marly, publié dans les colonnes du journal Le Monde le 22 février 2011, groupe composé de hauts
fonctionnaires, de responsables, de patriotes français écoeurés par, je cite : « l’amateurisme » de la politique étrangère du gouvernement de la République française.