Est-ce que ça existe encore, les chanteurs qui font carrière ? Je ne vois pas aujourd’hui d’équivalent à Bruant, à Trenet, à Brassens, à Aznavour. Souchon est sans doute le dernier. Le système médiatique a triomphé, dans sa dimension dévoratrice. Je ne dis pas qu’un auteur compositeur proposant un univers original ne puisse éventuellement encore se retrouver subitement au sommet de la renommée, mais on est sûr alors que deux ans plus tard, il sera devenu le dernier des ringards, précisément parce qu’il aura eu son heure de gloire et que celle-ci est passée. Tout est devenu mode et effet de mode. Or ce qui est un jour à la mode se trouve, par définition, démodé le lendemain. Le monde prend, exploite et jette. On ne construit plus dans la durée.
Je parle des chanteurs, mais je pourrais aussi bien parler de la chanson, du genre chanson. La star ac’ et la nouvelle star, qui n’ont pas peu contribué au dynamitage de la chanson à l’ancienne, artisanalement construite par ces auteurs-compositeurs dont je cherche désormais la trace, ont elles-mêmes disparu des principales chaînes de télé. Car au fond, c’est la chanson en tant que telle qu’elles ont carbonisé. Le public n’en veut (provisoirement) plus, on l’en a gavé. C’est la cuisine qui a pris le relais. Voyez MasterChef et autres ragoûts télévisuels de la même farine. Dégagez, les braillards: on veut des marmitons ! Jusqu’à ce que, dans un très proche avenir, la tambouille à son tour ne sente le brûlé.
Excellente analyse qui montre que, dans une société marchande, il n’y a guère de place pour le talent : ce qui compte, c’est ce qui se vend et semble nouveau pour le “consommateur”. J’ai même l’impression que cette dérive commence dans la littérature !
Je dirais même plus, on la goûte, on brûle pour elle!
Nous, on aime bien la chanson arbonisée!