Auguste le médecin

« Pour guérir les malades, le médecin les saigne; il leur défend de fumer des cigarettes et de jouer de la guitare.»

Voici une phrase étrange, dont j’ai mis un moment à réaliser que j’étais l’auteur. Elle est sortie tout droit d’un vieux cahier d’écolier serré dans un classeur, alors que je vidais un placard. Lorsque je l’ai écrite, le mardi 5 mai 1959, j’avais cinq ans et demi.

On était plus proches de Molière d’un demi-siècle, à l’époque, ce qui peut expliquer la référence à la saignée. Avec l’interdiction de la cigarette, en revanche, je suis clairement en avance sur mon temps, si l’on se souvient que dans ces années-là certains docteurs faisaient encore de la pub pour le tabac.

Reste cette proscription de la guitare, qui ne laisse pas, rétrospectivement, de m’intriguer. Il est vrai que les joueurs de guitare, comme d’ailleurs la plupart des musiciens, montrent assez souvent une fâcheuse propension à la mélancolie, qui les amène à se complaire dans des morceaux pleins de langueur comme Yesterday ou Quand les hommes vivront d’amour ou Blowin’ in the wind, ce qu’un bon thérapeute cherchera naturellement à prévenir, par tous les moyens.

auguste-le-medecin.jpg

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arbon

si, il y a un cas, que je vous raconterai demain !

cafardages

à part le risque d’une corde qui pète et qui shoote un oeil on voit pas bien non plus pourquoi la guitare !

Muriel

Incroyable pour un petit garçon de 5 ans 1/2, cette maturité dans l’imagination / la réflexion / l’humour qui sous-tendent cette rédaction. Mais je remarque aussi la l’élégance des tournures (“je l’ai aperçu un jour dégustant un bon gâteau…ce médecin est un gourmand”…)…et l’impeccable orthographe (à part le “â” de pâtissier, le tout est d’une maîtrise renversante) ! J’avoue que ce petit texte était prometteur, et qu’il trace déjà ton portrait. Une petite merveille.