Septembre chez Nadia

Il y a dix ans pratiquement jour pour jour commençait l’aventure Web Love Story.
C’est là que je situe la source du cours musical sur lequel navigue aujourd’hui ma vie.

Je raconterai plus tard, peut-être, la façon dont Michel Béra et moi avons fait connaissance, et comment nous est venue l’idée assez folle de cette comédie musicale. Aujourd’hui, je veux juste me souvenir des premières séances de travail, au cours desquelles nous avons commencé à concevoir ensemble le livret, et la musique et les paroles des premières chansons.

Elles se déroulaient au dernier étage d’un immeuble de la rue du Val de Grâce, chez Nadia Tagrine, la mère de Michel. Nadia était une musicologue extrêmement réputée, une très grande pianiste qui s’était épanouie dans la formation d’artistes de très haut niveau. Elle avait à l’époque quatre-vingt trois ans. Petite, ronde, énergique, un visage ridé dégageant une incroyable lumière, une sourire et un entrain merveilleux. Le courant était tout de suite passé entre nous, une de ces sympathies spontanées qui rendent la vie belle et limpide. En plus, elle appréciait visiblement que je détourne pour un temps son fils de ses occupations mathématiques et technologiques, pour le ramener vers la musique. C’est pourquoi elle lui avait offert de nous accueillir chez elle, et mis à notre disposition ses deux pianos.

Le soleil doux de la fin de l’après-midi tombait sur le Bösendorfer. Elle se mettait dans un coin de la pièce. Dans nos verres de whisky scintillaient l’or, le mystère, les harmonies capiteuses, les reflets du génie. Elle nous écoutait rire, inventer, tâtonner, puis partir dans d’invraisemblables délires. Quand elle jugeait que nous nous égarions, elle frappait le parquet avec sa canne, pour nous remettre sur le droit chemin. Cela durait une heure ou deux. J’enregistrais systématiquement tout sur un mini-disque, pour pouvoir faire le tri dans ce matériel une fois rentré chez moi.


Il y eut quatre ou cinq séances similaires, après quoi nous sommes revenus à des cadres plus routiniers. A la fin de l’une d’elles, une sorte de mélancolie nous prit. C’était l’automne. Une chanson naquit, qui parlait du ciel chaud et doux, du sourire des enfants, des amours impossibles. A Yellow Day in September.

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