Les lunettes

Soit un couvent rempli de nonnains (malgré la consonance masculine, les nonnains sont de jeunes nonnes). Déguisé en fille, un jeune galant s’y introduit, et fait tant qu’à la fin il engrosse l’une d’elles. Lorsqu’elle s’en aperçoit, la mère supérieure se met fort en colère, et, soupçonnant la présence d’un travesti, demande à toutes ses filles de se présenter nues. Puis elle met sur son nez ses lunettes “pour ne juger du cas légèrement”, et tenter d’identifier le coupable.
Celui-ci avait, pour la circonstance, dissimulé son membre.
 

D’un brin de fil il l’attacha de sorte
Que tout semblait aussi plat qu’aux nonnains :
Mais fil ou soie, il n’est bride assez forte
Pour contenir ce que bientôt je crains
Qui ne s’échappe (…)
Tout à l’entour sont debout vingt nonnettes,
En un habit que vraisemblablement
N’avaient pas fait les tailleurs du couvent (…)

Touffes de lis, proportion du corps,
Secrets appas, embonpoint, et peau fine,
Fermes tétons, et semblables ressorts
Eurent bientôt fait jouer la machine.

Ce qui devait arriver arriva:

La machine échappa, rompit le fil d’un coup,
Comme un coursier qui romprait son licou,
Et sauta droit au nez de la prieure,
Faisant voler lunettes tout à l’heure
Jusqu’au plancher.
II s’en fallut bien peu
Que l’on ne vît tomber la lunetière.

Le conte se nomme Les Lunettes. Il est de mon cher La Fontaine, et je ne cesse de me réjouir qu’un tel homme ait vécu.


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