La Fontaine et les questions d’argent

Rembrandt  Le Syndic des drapiers (1662)

“Il a échappé à ce qui remplit la vie des bourgeois dans leur long cheminement vers la mort: les querelles de famille et les questions d’argent”.
Voici une phrase d’une synthétique et terrible acuité, dont l’observation directe du milieu bourgeois permet aisément d’apprécier la pertinence.
Qui l’a écrite? Jean Giraudoux. A propos de qui ? C’est ici que les choses deviennent étonnantes: à propos de La Fontaine.

Avant-guerre, Giraudoux prononça une série de cinq conférences retraçant librement la vie du fabuliste. Chacune d’elles traitait d’un écueil ou d’un péril auquel il avait fallu que la Fontaine échappe afin que les Fables puissent voir le jour. Elles ont été publiées sous le titre “Les cinq tentations de La Fontaine”. Voici, selon Giraudoux, quelles elles étaient: la tentation de la vie bourgeoise, celle des femmes, celle du monde, la tentation littéraire, et enfin celle (double) du scepticisme et de la religion.

La phrase citée a donc trait à la première. C’est l’époque de ses débuts dans la vie.
” La Fontaine n’avait la chance ni d’être orphelin ni d’être insociable. Les pièges que lui tendirent la vie bourgeoise et la vie familiale étaient dangereusement posés. (…) Autant nous sommes peu renseignés encore sur les essais poétiques de La Fontaine, autant nous connaissons avec précision le nombre de louis et d’écus qu’il doit à sa belle-mère, qui les doit elle-même à M. Castet, qui les récupérera de la soeur de La Fontaine, grâce à une substitution de dettes opérée en sa faveur aux bénéfices du cousin Jannart.”

Par chance, La Fontaine, comme il l’écrira lui-même sur sa tombe, “tint les trésors chose peu nécessaire”. L’argent lui fut, comme à tout un chacun, une nécessité, parfois un souci, mais il s’en évada, comme d’ailleurs de sa famille.

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