J’étais tombé (tout à fait par hasard) sur une émission de France Culture à laquelle je ne comprenais rien. Cela m’avait tellement fasciné que j’étais resté à écouter ce qui se révéla par la suite être un dialogue imaginaire entre Nietzsche et Kant, incarnés par deux profs de philo qui n’avaient à mon avis pas bu que de l’eau. Et voici qu’à un moment, Nietszche, élevant la voix, dit à Kant :
– Il me semble que chez vous, la subsumation esthétique présente une amphibologie leibnitzienne.
Je pris un crayon, et notai la phrase, comme un bijou d’intellectualisme abscons.
Or on nous dispensait à l’époque des cours de sociologie qui était peu ou prou du même tonneau. Personne ne suivait les divagations métalangagières de notre professeur, et personne ne faisait même semblant de les suivre. Lesdits cours se passaient à lire le journal, et même, régulièrement (quoique la pratique fût cruelle) à jouer à l’autobus, c’est-à-dire à lire ostensiblement chacun son journal, bras tendus, en se secouant sur sa chaise comme si nous étions brinquebalés par les cahots de la route.
Un jour que mes camarades signifiaient ainsi ostensiblement leur désintérêt, je provoquai un arrêt de l’autobus en levant le doigt. Cela ne s’était encore jamais produit. Personne n’avait jamais eu l’idée de poser la moindre question. Visiblement surpris, et presque ému qu’un élève l’interrompe, le prof me gratifia d’un regard reconnaissant.
– Eh bien, Arbon, quelque chose n’est pas clair?
(lire la suite: Amphibologie et subsumation)