Ce prix avait Ă©tĂ© crĂ©Ă© du temps oĂą j’usais (assez peu Ă vrai dire) mes fonds de culotte sur les bancs d’HEC. Les cours de marketing, de finance, de comptabilitĂ©, me paraissaient d’un ennui mortel, et cette impression Ă©tait partagĂ©e par la plupart de mes condisciples. L’un d’entre eux, du nom de Libercier, eut un jour l’idĂ©e de pimenter la fadeur des cours en proposant que soit dĂ©cernĂ© chaque semaine un prix rĂ©compensant l’intervention la plus farfelue qu’un Ă©lève aurait rĂ©alisĂ©e. L’initiative parut Ă tous excellente, et le prix fut baptisĂ© du nom de son auteur.
L’instauration du prix suscita instantanĂ©ment un regain d’intĂ©rĂŞt pour les diverses matières qui nous Ă©taient enseignĂ©es, et provoqua pour un temps le retour en cours d’absentĂ©istes endurcis. Parmi ceux-ci se trouvait Pierre F: une forte tĂŞte, rĂ©fractaire Ă tout et particulièrement Ă l’Ă©conomie financière, matière dans laquelle il ne tarda pas Ă ĂŞtre interrogĂ©. ArrivĂ© au tableau, il Ă©crivit en très gros, avant mĂŞme qu’on lui demande rien :
Le prof lui dit – Bon dĂ©but, F, mais x Ă©gale quoi?
Et là , F. ne répond pas. Il hausse les épaules, il lève les yeux aux ciel, il sourit tranquillement. Le prof répète sa question. F garde un silence placide et énigmatique. Au bout de deux ou trois minutes, le prof perd patience et se met à crier :
-MAIS BON DIEU, F., VOUS NE POUVEZ PAS ME DIRE CE QU’EST X?
-Non, Monsieur, je ne peux pas vous le dire. On ne peut pas le savoir.
-ET POURQUOI?
-Parce que x, c’est l’inconnue.
C’est ainsi que F. devint le premier laurĂ©at du prix Libercier.
C’est pourtant simple: X=F, ….puisque ce F. reste ici inconnu!