
A la suite d’un concert le mois dernier en Avignon, j’ai eu l’occasion d’échanger avec un jeune couple qui découvrait mes chansons. Ils étaient fort élogieux, mais lui me faisait un reproche: celui d’avoir renoncé à chanter The Lunatic Lover en français.
Cette question de choisir entre l’anglais et le français s’est souvent, et depuis longtemps, posée à moi. J’ai beaucoup écrit en anglais, surtout au moment de ma comédie musicale. J’aime infiniment la poésie anglo-saxonne, et la capacité qu’a cette langue, dès qu’elle est chantée, à faire sonner ses phrases comme des aventures, même si elles parlent de banalités.
C’est précisément un des points qui m’avaient retenu de faire une adaptation en français de The Lunatic Lover. Les mots employés sont si simples, si courants, que je me disais que la version anglaise seule avait la capacité de porter le texte jusqu’à la hauteur spirituelle où Ibn Arabi l’a placé.
Et puis il y a l’expression même de “lunatic lover”. Comment la traduire? Lunatic signifie dément, mentalement dérangé, insensé. Fou d’amour?
Cependant, la remarque m’a touchée. Peut-être parce que je m’étais déjà fait à moi-même le reproche de m’être dérobé devant l’obstacle de cette traduction. Mais surtout à cause de l’argument que cette chanson en anglais, que je plaçais au coeur de mon concert, induisait un changement de registre qui rompait la continuité du récital, et en faisait un moment à part, exclusif, alors qu’elle devait au contraire se situer dans la parfaite continuité de ce qui avait précédé, sans autre barrière pour y atteindre que celle de l’élévation et du dépouillement de la pensée.
Je me suis donc (re)mis au travail, pour écrire: Qui est là ?
Je ne parviens pas à ouvrir et écouter la chanson. Beau concert ce 2 Juin !!