Hadopi, Beaumarchais et le droit d’auteur

On reparle de droits d’auteur cette semaine, avec le nouveau débat sur la loi Hadopi au Parlement. Cette loi, dont l’intention est apparemment louable (combattre le piratage sur Internet), a un énorme défaut: elle dresse les artistes contre les consommateurs de musique, qui finissent par se voir comme ennemis les uns des autres. Et la raison en est qu’elle trahit l’esprit du droit d’auteur en prétendant le faire respecter. On gagnerait à faire un retour aux sources et à revenir à Beaumarchais.


A l’origine du droit d’auteur, il y a l’exaspération de Beaumarchais de constater qu’à l’initiative de directeurs de théâtre, ses pièces se jouent, remplissent les salles, et font la fortune de leurs propriétaires sans que lui-même en retire le moindre sou. Au départ, l’idée n’est donc pas de faire payer l’auteur par le public, mais de faire en sorte que ceux qui tirent profit de l’exploitation d’une oeuvre reversent au moins une part des bénéfices à son créateur.

Or qui tire profit de la musique sur Internet? A l’évidence l’industrie des télécoms (fournisseurs d’accès en tête) et celle de l’informatique. Ce sont eux les nouveaux propriétaires de théâtre. Ce sont eux les réels profiteurs. Mais, très habilement, ils ont réussi à être absents de ce débat inepte où l’industrie musicale, se subsituant aux artistes dans la défense de leurs droits, finit par menacer de procès et de sanctions ses clients, achevant ainsi de scier avec ardeur la branche vermoulue sur laquelle elle était assise. La license globale est pourtant la seule solution.

Ces discussions sur le piratage me font aussi penser à celles sur l’ivresse au volant. Dans ce dernier cas, le patron de bistrot ou de discothèque peut être tenu pour responsable s’il a laissé quelqu’un boire plus que de raison; a fortiori s’il l’y a incité. Mais cette logique ne s’applique pas du tout à ceux qui enivrent de musique les accros du téléchargement. Les dealers, après Hadopi comme avant, seront soigneusement épargnés.

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mariececilefossen

Très juste ce point de vue ; néanmoins internet propage la culture même si ce n’est pas toujours avec un grand K ; c’est vrai qu’ en tant qu’ auteur on n’y perd financièrement mais lorsqu’on crée
ce n’est pas seulement pour des raisons alimentaires c’est aussi pour partager, diffuser….Quel générosité pour un artiste qu’il soit de gauche ou de droite(ou du milieu) de permettre via internet
l’écoute gratuite de ses créations à ceux qui n’ont pas assez d’argent pour aller à la Fnac chaque semaine faire leurs emplettes culturelles.
Par contre le téléchargement est une atteinte à la propriété intellectuelle et j’en parle pour cause.PS : grace à internet j’ai fait la connaissance de beaucoup d’artistes dont vous Arbon ….

thierry tissot

La logique et le bon sens parlent en faveur de la licence globale, tu as raison de le souligner. Comme tu as raison de souligner qu’il est absurde d’exiger le paiement d’un droit d’auteur là où aucun profit n’est généré. Internet devrait fonctionner comme les médiathèques où l’on peut emprunter autant de livres, de disques, de films ou de logiciels qu’on le souhaite pour le prix d’un abonnement modique.
Cependant il y a un problème de taille avec la licence globale, c’est de savoir de quelle façon son produit serait redistribué… Hélas il est plus que probable que les “petits” artistes (petit en passages radio et vente de singles) ne verraient pas la couleur de cet argent.

mister jukebox