L’autre monde ou les états et empires de la lune

Un homme entre par le côté, il tient une lanterne à la main, il parle, un jargon bizarre, où toutes les lettres sonnent, qui n’est autre que du français baroque, il raconte un voyage dans la lune, dont le récit commence ainsi:

« Voici comment je me donnai au ciel. Je m’étais attaché autour de moi quantité de fioles pleines de rosée, et la chaleur du soleil qui les attirait m’éleva si haut qu’à la fin je me trouvai au-dessus des plus hautes nuées. »

C’est Cyrano de Bergerac, le vrai, l’original, né en 1619, mort en 1655 à trente-six ans, pamphlétaire féroce, libertin, hérétique, auquel de son vivant déjà on attribue de retentissants exploits, et dont le manuscrit jugé scandaleux ne fut publié intégralement en France que près de trois siècles plus tard.

Il y a quinze ans à peine que le procès de Galilée a eu lieu, et lui écrit :

«Il serait aussi ridicule de croire que ce grand corps lumineux [le soleil] tournât autour d’un point dont il n’a que faire, que de s’imaginer quand nous voyons une alouette rôtie qu’on a, pour la cuire, tourné la cheminée alentour.»

Ce texte a été porté sur scène par Benjamin Lazar, il se donne pendant deux ou trois jours encore au théâtre de l’Athénée à Paris, c’est une merveille de subtilité et d’intelligence et un spectacle comme on en voit rarement.

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