Arbon face au couchant

Nous avons la chance Claudine et moi d’avoir quelques amis qui ont des maisons dans des endroits superbes et qui nous font la joie de nous y inviter.

Tous les instants de ces journées magiques, je m’emploie naturellement à les savourer. Or certains sont plus spectaculaires que d’autres, par exemple celui que l’ami chez qui nous étions le soir du 15 août a saisi dans la photo ci-dessous. Je donnais, sur sa terrasse, un concert impromptu à une petite compagnie qui s’y trouvait rassemblée ; le coucher du soleil était splendide ; et entre deux chansons, je me suis détourné de l’assistance pour le contempler.

L’image du poète (ou du chanteur à guitare) face au couchant n’a rien d’original, c’est même un cliché tout-à-fait éculé, et je me serais sans doute abstenu de publier cette photo sans le détail du bock de bière : car cette bière agit comme une assurance contre tout débordement romanesque, contre toute exaltation excessive de l’esprit. Elle préserve la scène d’une mièvrerie romantique de carte postale. Elle la maintient à terre, elle l’ancre dans la réalité humaine, elle la ramène au corps et aux plaisirs qu’il reçoit. Ce faisant, elle constitue le contrepoint indispensable aux ardeurs éperdues de l’imagination, et il me semble qu’à cet instant précis, ce fond de liquide ambré, frais et amer rétablit et complète, à lui seul, l’équilibre du monde.

 

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