Alceste et les réseaux

C’est devenu un lieu commun de constater à la suite d’Andy Warhol que chacun obtient plus ou moins aujourd’hui son quart d’heure de célébrité. La chose ayant été rendue plus facile encore par l’apparition des réseaux sociaux, quelques milliers de vues sur YouTube, de « followers » sur Twitter, de « likes » sur Facebook ou sur Instagram, suffisent à propulser monsieur ou madame Toutlemonde sur les sentiers de la gloire.

S’il est de bon ton de critiquer le phénomène (auquel je contribue moi-même de temps en temps), ce serait toutefois une erreur de croire qu’il est nouveau. Combien d’Alcestes contemporains, qui marmonnent aujourd’hui dans leur barbe à la vue de ce spectacle, ne font que paraphraser les propos de Molière et de son Misanthrope :

« Eh ! Madame, l’on loue aujourd’hui tout le monde,
Et le siècle, par là, n’a rien qu’on ne confonde ;
Tout est d’un grand mérite également doué,
Ce n’est plus un honneur que de se voir loué ;
D’éloges, on regorge ; à la tête, on les jette,
Et mon valet de chambre est mis dans la Gazette.* »

(Notons qu’on ne pourrait plus écrire cela de nos jours sans que la confrérie des valets de chambre ne s’offusque de cette comparaison et du mépris de classe dans lequel on la tiendrait.)

* Molière – Le Misanthrope, Acte III, Scène 5

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