Nos vies brèves, nos pensées courtes, nos mémoires pâles : tout se fondra dans l’oubli. D’ailleurs, celles de nos ancêtres s’y dispersent et, pour la plupart, y ont déjà fondu. Tout s’achève dans l’oubli, tout finit par s’y égaliser et s’y désingulariser, tout y devient indistinct et indifférent. Et c’est ainsi, pour reprendre la formule d’Omar Khayyam, que « quand nous quitterons ce caravansérail, nous serons pareils aux morts d’il y a sept mille ans ».
L’oubli, ce n’est pas le rien, ce n’est pas le vide. C’est un carré blanc sur fond blanc. Quelque chose s’est produit, ou quelqu’un est passé là, mais on ne sait plus ni quoi ni qui, c’est recouvert, c’est effacé. L’oubli est la trace de cet effacement. C’est le souvenir d’un souvenir.
Pessoa parle quelque part du « vaste oubli qui règne dans le ciel et sur la Terre », et l’oubli est en effet la force ignorée qui domine le monde : car nous ne retenons rien, nous n’apprenons rien, nous négligeons les leçons de l’histoire, nous répétons toujours les mêmes erreurs. Subrepticement, sur la Terre comme au ciel, il est cette neutre, muette et redoutable puissance à laquelle Dieu lui-même aurait cédé la place.
Malevich Carré blanc sur fond blanc
Nos civilisations elles-mêmes seront un jour oubliées et jusqu’à l’existence de l’Homme sur la Terre. C’est la raison pour laquelle il faut – si on le peut – profiter du moment présent.
Il est des ecrits, des pensées, qui restent à travers les siècles
Tu nous en distilles régulièrement d’ailleurs.