De même que l’on ne dit plus banlieue, mais quartiers, on ne dit plus province, on dit territoires. « Allez donc dans les territoires, à la rencontre des vrais gens… » C’est ainsi que nous avons depuis quelque temps un ministère des territoires, et même, plus précisément, de la « cohésion (?) des territoires ».
Or ces territoires, au pluriel, me font un effet lointain. Quand on jouait autrefois à La conquête du monde (devenue Risk), on trouvait, dans un coin du planisphère, les territoires du nord-ouest : des lieux reculés, difficilement accessibles, où il ne se passait rien, mis à part, de temps en temps, une ruée vers l’or. C’est d’abord cela qu’ils m’évoquent, ces territoires. Ou encore, outre-mer, des morceaux épars de terres éloignées, peu peuplées, battues par les vents, que les hasards de l’histoire et des explorations ont un jour placés sous notre juridiction, sans qu’ils aient jamais acquis depuis ni un statut plein de département ou de région, ni leur indépendance.
J’ignore pourquoi le mot province est devenu politiquement incorrect. Je me souviens que Malraux le détestait. Quand il était ministre, et qu’il ouvrait un peu partout en France ses maisons de la culture, il professait avec véhémence que « ce mot hideux »* devait disparaître. C’est dommage, mais c’est fait.
* « Et, si vous le voulez, je vous dis que vous tentez une des plus belles choses qu’on ait tentées en France, parce que alors, avant dix ans, ce mot hideux de province aura cessé d’exister en France. » (Discours du 19 mars 1966 inauguration de la MJC d’Amiens)