Gallimard et l’écume

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L’édition n’est pas une science exacte. Il y faut du flair, le goût du risque, et de la patience. Autrement dit, tous ceux qui la pratiquent font des erreurs. Le bon éditeur est celui qui se trompe un peu moins que les autres.

Si les Editions Gallimard ont à leur catalogue la plupart des titres les plus prestigieux de la littérature française du XXè siècle, on le doit en bonne partie à Gaston Gallimard, et à l’obstination dont il a su faire preuve pour récupérer les grands auteurs quand ceux-ci lui avaient d’abord échappé. C’est ainsi qu’après avoir refusé Du côté de chez Swann de Proust en 1913, il publie A l’ombre des jeunes filles en fleur en 1919. De même, ayant raté Céline et son Voyage au bout de la nuit en 1932, puis Mort à crédit, tous deux parus chez Denoël, il se rattrape en rachetant Denoël en 1946.

Parmi ses erreurs, la plus flagrante (après coup, car pendant quinze ans le livre ne connut aucun succès) concerne Boris Vian : alors que Gallimard est l’éditeur de ses premiers romans, dont l’Ecume des jours, il en cède les droits à Jean-Jacques Pauvert au début des années soixante, après la mort de Vian, en lui demandant comme un service de le débarrasser du stock d’invendus. Pauvert reprendra l’écume… au prix du papier.

Au fond, c’est sans doute dans le regard que Gallimard posait sur lui que Vian avait pris cette idée de panonceau :

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« La direction de l’établissement informe les génies méconnus que le manque de place ne permet pas de les recevoir »

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Jacques Langlois

Parmi les “loupés” de Gaston, il y aurait aussi la traduction d'”Autant en emporte le vent”. Si Gallimard eut la bonne idée d’en racheter très tôt les droits à Hachette, il considéra que
l’épaisseur du volume de Margaret Mitchell allait coûter trop cher aux conditions habituellement accordées aux traducteurs. Il proposa donc à Pierre-François Caillé de le payer en participation
plutôt qu’au nombre de feuillets. Preuve qu’il n’imaginait pas le succès à venir du livre auprès du public français. C’est du moins ce que raconte Marcel Duhamel, le père de la “Série Noire” et ami
des Vian, dans son autobiographie (“Raconte pas ta vie”, 1972).