Je reviens sur la musique des sphères. De Pythagore à Kepler s’est développée une théorie basée sur le constat que les rapports de distance entre les principaux objets célestes (les planètes, le soleil et la lune) se situent dans des proportions qui sont celles des intervalles musicaux (octave, quinte, quarte, ton). De là nait l’idée d’une équivalence entre l’espace et la musique. Les corps célestes ne sont pas distribués au hasard, et il est possible d’entendre l’harmonie qu’ils produisent. Le monde, l’âme du monde, chante.
La notion est si puissante que jusqu’au dix-septième siècle on se forme à la science en étudiant l’astronomie, les mathématiques et la musique. La transposition des mouvements du ciel en matière sonore est perçue comme naturelle. Il n’y a pas de solution de continuité entre le visible et l’audible, ni entre l’intelligible et le sensible. Par la suite, le rationnel prend le dessus. On distingue, on sépare, on démembre. Les ingénieurs d’un côté, les artistes de l’autre. A chacun son domaine, et les vaches seront bien gardées. Les étoiles du Bouvier brilleront désormais en silence.
Pourtant l’idée n’est pas morte. Nombre d’astrophysiciens, qui sont toujours férus de musique, l’utilisent pour imaginer un espace qui n’a plus rien à voir avec celui de l’Antiquité. Les dissonances, les rythmes, les vibrations de compositions contemporaines leur fournissent l’amorce d’intuitions scientifiques. J’en connais qui entendent l’univers dans la musique, ce qui les aide à élaborer de nouveaux concepts et à interpréter des observations complexes. Placez du sable sur la peau d’un tambour, et frappez. Le sable dessinera des lignes et des courbes, en fonction de la longueur d’onde du son produit, et de la forme et de la taille du tambour. C’est ainsi, paraît-il, qu’il faut entendre les stries (récemment découvertes) du fond cosmologique de l’univers : comme le résultat d’une percussion.