Tartares (figé comme un con)


Tartares
par arbon

 

J’ai infiniment de réticence à commenter l’actualité, et plus encore l’actualité politique. Le sujet m’intéresse moyennement, et n’occupe qu’une place accessoire dans mon existence. Alors quand j’en parle, j’ai toujours l’impression d’ajouter du bruit au bruit.

Néanmoins, en ce lendemain de victoire du Front National aux élections européennes, j’y veux aller un peu de ma musique. Il est facile de s’indigner, de crier à la honte, et de blâmer la classe politique traditionnelle ou de s’en moquer. Je constate que seul le FN a porté le débat sur l’immigration comme un enjeu collectif majeur. Il en récolte les fruits. Les autres partis ont tous glissé le problème sous le tapis. Ambiguïtés, désaccords, malaises : personne n’a vraiment eu le courage de le traiter en tant que tel. Personne n’a approfondi la question.

Moi non plus. J’ai lu « Le Camp des Saints » de Jean Raspail il y a une bonne trentaine d’années. Ce roman1 saisissant, profondément dérangeant et aux accents prophétiques, je l’ai mis à l’écart de ma conscience : je l’ai traité, de facto, comme un tabou. Le livre décrit une immigration massive grouillante, dépersonnalisée, sans visage : et parce qu’elle est sans visage, elle gomme la personne humaine qu’est chaque immigrant. A ce titre, la gauche bien-pensante a jeté l’anathème sur le livre, alors que l’extrême-droite, au contraire, s’en emparait. Je ne suis pas surpris de le retrouver en bonne place dans la bibliothèque de Marine Le Pen.

Camp-des-Saints-Marine-Le-Pen.pngCe livre devrait être lu et débattu. Or voici comment le débat s’escamote : on colle sur les choses des étiquettes “bien” ou “mal” et l’on juge par idéologie et non plus sur le fond. Et le fond des choses, c’est qu’on ne sait pas concilier le particulier et le général, et que l’individuel est irréductible au collectif. Mais décrire une foule sans en détailler les personnes, cela suffit-il à disqualifier l’analyse de ce que provoque cette foule ? Et considérer chaque personne individuellement doit-il empêcher de considérer que la somme de ces personnes existe, et peut, par son ampleur, poser un problème ?

On ne veut pas être envahi, on veut avoir un “chez soi”, et simultanément, on ne veut pas rejeter, on aime tendre la main. La contradiction est en nous. Elle nous fige. Humanisme contre protectionnisme. Ouverture contre priorité nationale. Europe contre France. Baiser contre glaive.

Est-il possible d’éviter l’engrenage ? Peut-être. L’Evangile, ici encore, est une des rares sources d’inspiration. « N’ayez pas peur », « aimez-vous les uns les autres ». Si ces paroles sont lumineuses, c’est parce qu’elles ne jugent pas : elles vont au-delà du bien et du mal. Aimer son prochain, ce n’est pas seulement aimer le migrant. C’est aussi aimer celui qui en a peur. Fraternité tous azimuts.


1 Dans le delta du Gange, un million de « miséreux » prennent d’assaut des cargos. Les immigrants voguent alors vers un Occident incapable de leur faire modifier leur route. Les bateaux s’échouent sur la Côte d’Azur, sous l’œil impuissant de pouvoirs publics désarmés. (Argument du livre, source Wikipedia)

 

 

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Bertrand

Est-ce avec cette sous-chanson que “tartare ta gueule à la télé”… ?

Gaillard

belle réflexion merci de ces mots qui ne sont pas que du bruit.

cepheides

Je suis parfaitement en accord avec ce billet. De plus, je pense, quant à moi, que la prise de conscience de nos politiques (hors FN) n’est certainement pas encore faite (mais peut-elle l’être ?). Du coup, l’avenir de la droite nationale est relativement dégagé… et celui de l’Europe ultra-libérale plutôt compromis.