L’Adami (Société pour l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes) mène actuellement une campagne d’information sur la rémunération des artistes liée aux nouveaux modes de « consommation » de la musique. Parmi ces derniers, le streaming est, semble-t-il, devenu l’un des plus populaires. On s’inscrit sur Deezer ou Spotify et, pour 9,99 € par mois, on a accès à toute la musique que l’on veut.
Comment sont répartis ces 9,99 € ? C’est ce que montre le graphique ci-dessus. Les artistes-interprètes se partagent 4,6% du gâteau entre eux tous. Certains ont fait le calcul : il faut environ 13 millions d’écoutes pour qu’un auteur-compositeur-interprète gagne avec le streaming l’équivalent de ce que lui rapportait naguère la vente de 1000 CD. S’il n’est qu’interprète, multipliez (ou divisez, selon le sens dans lequel vous considérez la chose) le chiffre par trois.
On parlait autrefois de portion congrue lorsqu’on versait à quelqu’un, sous forme de pension, la somme exacte qui lui permettait de vivre, sans faire d’excès, mais convenablement. Congru et convenable étaient d’ailleurs synonymes, et s’opposaient à incongru, inconvenant, inadéquat. Puis le terme a pris le sens de toute petite part, à peine suffisante, et aujourd’hui, lorsque certains musiciens l’emploient, ils signifient qu’ils sont payés de façon dérisoire, et parlent (je cite le Président de l’Adami, Jean-Jacques Milteau) de manque de considération, voire d’un sentiment « d’humiliation devant la modicité pour ne pas dire l’inexistence des rémunérations issues de l’utilisation de leur travail sur internet ».
La portion congrue est devenue incongrue, et le sens du mot réduit à un néant voisin de celui des revenus des interprètes.
La Fédération des éditeurs et labels indépendants a publié récemment le nombre de nouveaux créateurs et éditeurs devenus membres de la Sacem :
Pas moins de 4000 nouveaux membres pour la seule année 2013 et plus de 900 000 oeuvres nouvelles crées et déposées cette même année (oeuvres françaises et internationales). Très peu de ces
auteurs-compositeurs-interprètes sont en mesure de vivre de leur art. La portion congrue des droits allouée aux créateurs est en effet devenue “incongrue”. Et pourtant cela ne semble pas décourager
les nouveaux candidats à la création musicale.
La submersion par l’offre est une donnée essentielle de l’évolution des musiques actuelles depuis dix ans. Dés lors doit-on s’étonner que la croissance exponentielle des auteurs s’accompagne d’une
diminution proportionnelle de leurs revenus, quand bien même le système permettrait de rémunérer toutes ces oeuvres.