Prenons les gens célèbres, ou qui ont réussi, ou plus généralement ceux qui sont sortis du lot. Si l’on s’intéresse à leur parcours, on va décrire en général leurs qualités et mérites, leur volonté, leur ténacité, leur habileté, leur intelligence, et l’accomplissement de leur destin (mot qu’on préférera souvent, emphatiquement, à celui de carrière) sera présenté rétrospectivement comme une nécessité inéluctable.
C’est certainement une part de la vérité. Il y en a une autre. Chaque génération produit des milliers de jeunes ambitieux qui ont envie de réussir (dans la politique, l’art, les affaires…). Seuls quelques-uns arriveront au but, voire un seul lorsque le poste est unique (chef d’Etat, par exemple). Celui-là est aussi semblable au spermatozoïde qui pénètre l’ovule. Dans le chaos de la course, agitant sa flagelle, il s’est retrouvé à la bonne place, dans le bon courant, au bon moment, au bon endroit.
Il me revient une sentence un peu désabusée que j’avais formulée jadis: “A 10 ans, on rêve d’un destin; à 15 ans, on s’imagine un avenir; à 30, on gère sa carrière”.
Quant à la course des spermatozoïdes, je me rappelle une description burlesque de cette compétition, faite sur les ondes (radiophoniques) par “l’Amiral”de Kerzauzon. A son interlocuteur, qui,
devant tant de verve et de réalisme, lui disait que c’était à croire qu’il avait lui-même participé à un tel sprint, le bateleur avait rétorqué: “Non, mais j’ai donné un certain nombre de départs!”