Les secrets de Victoria ou la tristesse de Roy Raymond

Cherchant à élaborer une synthèse entre mes deux articles précédents (sur la culotte et le secret), j’avais commencé à écrire : “Supposons qu’elle s’appelle Victoria”. Et je me réjouissais déjà à l’idée de plonger dans les catalogues de Victoria’s Secret pour trouver une illustration.

Mais chemin faisant, je suis tombé sur l’histoire du fondateur de la célébrissime société de lingerie. Il s’appelait Roy Raymond, et était né en 1946. Voulant un jour offrir un déshabillé à sa femme, il se retrouva au rayon lingerie d’un grand magasin, incapable de se repérer dans les étalages de produits proposés. Craignant de passer pour un pervers débile s’il s’adressait aux vendeuses afin de leur demander des renseignements, il en déduisit qu’il devait y avoir un marché pour des boutiques de lingerie où les hommes pourraient acheter sans se sentir mal à l’aise. Il emprunta 80000 $ et ouvrit un premier magasin au décor de boudoir victorien. Nous étions en 1977, à San Francisco.

Cinq ans plus tard, il avait ouvert six boutiques, et lancé un catalogue de vente par correspondance. La compagnie réalisait un chiffre d’affaires de six millions de dollars. Un businessman du nom de Leslie Wexner lui en offrit quatre pour la racheter. Il accepta.

Avec l’argent de la vente, il fonda une nouvelle entreprise, autour d’un concept inédit de magasin pour enfants. Ce fut un échec terrible. En deux ans, il fit faillite. Ses soucis professionnels rongèrent sa vie familiale. Il divorça.

Victoria’s Secret, pendant ce temps, prenait des allures d’exceptionnelle réussite (mais les études de marché démontrant que 90% des acheteurs de lingerie sont des acheteuses, Lexner n’avait pas tardé à en abandonner le positionnement initial pour en faire une marque à l’univers totalement féminin). Alors, un jour de l’été 1993, Roy Raymond se rendit à pied sur le Golden Gate Bridge, enjamba le parapet, et sauta.

victoria-secret-ad-1980.jpg

Publicité Victoria’s secret de 1980

PS : Aujourd’hui, Victoria’s Secret appartient toujours à M. Wexner, et réalise plus de 9 milliards de $ de CA pour 1 milliard de $ de bénéfices. Les culottes sont petites, mais les marges sont grosses.

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Thienard Joëlle

Badinerie de l’aube

Jacques Langlois

Cette chronique matinale est comme une Aubade…

Thienard Joëlle

Quelle triste fin pour un homme qui a donné tant de plaisir aux femmes..