Un n, deux n, et m…

La langue française fourmille de difficultés merveilleusement inutiles, dont il n’est pas simple de se débarrasser. Prenons l’exemple du mot “son” et de sa famille. Le Trésor de la Langue française en fait froidement l’énumération en forme de constat :

« La famille de son comprend : 13 mots écrits avec un seul n : assonance, assonant, consonance, consonant, dissonance, dissonant, dissoner, résonance, résonateur, sonate, sonatine, sonore, sonorité; 12 mots écrits avec 2 n : consonne, malsonnant, résonner, résonnant, sonner, sonnant, sonnerie, sonnet, sonnette, sonneur, sonnaille, sonnailler. »

Bien. Trouvant que cela manquait de logique, un certain Thimonnier propose en 1967 de mettre de l’ordre là-dedans. Pour commencer, il suggére « d’ajouter les verbes assoner et consonner qui ne figurent pas à la nomenclature du Dictionnaire de l’Académie de 1932, et de les écrire avec 2 n (les dérivés des mots en -on s’écrivant généralement avec 2 n)  ». Je ne sais pas s’il est bien important de savoir écrire correctement des mots ignorés par l’Académie, mais pourquoi pas ? Assonnons, donc, et n’assonons pas.

Puis Thimonnier, dans une grande inspiration, formule la règle suivante :

« L’n terminal de son n’est doublé que s’il est suivi de la lettre e (ex. : assonner mais assonance)». Voilà qui est clair. Mais inquiet sans doute (à juste titre) qu’une loi aussi simple, pour ne pas dire sommaire, n’arase à l’excès la fantaisie intrinsèque de la langue, il postule aussitôt non pas une, mais deux autres règles qui viennent percuter de plein fouet la première, en produisant une magnifique gerbe d’exceptions. Il pose ainsi que les participes présents s’alignent normalement sur le verbe (ex. : sonnant sur sonner), ce qui conduit à écrire assonnant, alors qu’il n’y a pas de lettre e à l’horizon. Et dans le même élan, qu’il faut « écrire sonnaille et sonnailler avec 2 n, le suffixe -aille(r) provoquant le redoublement de n dans les mots en -on d’origine populaire (ex. : cochonnaille, poissonnaille) ».

La famille de son revue par notre ami Thimonnier devient donc la suivante :

Avec 1 n : 9 assonance, consonance, dissonance, résonance, résonateur, sonate, sonatine, sonore, sonorité
Avec 2 n : 18 assonner, assonnant, consonner, consonnant, dissonner, dissonnant, malsonnant, résonner, résonnant, sonner, sonnant, sonnerie, sonnet, sonnette, sonneur, sonnaille, sonnailler

Et c’est ainsi que Thimonnier est grand.

mao-grimacant.pngPS: J’ai omis de dire que ses réflexions, l’illustre Thimonnier les a rassemblées dans un ouvrage, intitulé Principes d’une réforme rationnelle de l’orthographe, et demeuré curieusement inédit. (Source: TLFI, article consonance).

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Jacques Langlois

Il y a des gens comme ce Thimonnier tellement intelligents qu’à les lire on se sent …”bête à manger du son”, pour citer certain chanteur.
“Assonnant”, “assonant”? Qu’en sais-je ? Mais à la longue, assommant, ça c’est sûr, à force de “résonner” comme un tambour!