Le crématorium du Père Lachaise est un temple néo-byzantin laïc avec coupole, vitraux et escalier monumental montant vers un ciel étoilé. En haut des marches, une sorte d’estrade mécanique, sur laquelle, à la fin des cérémonies, on dépose les cercueils, pour les envoyer derrière le mur du fond, dans le four.
Nous étions venus pour un dernier adieu à un homme espiègle de 89 ans. Discours sensibles et brefs, bande son musicale mêlant subtilement jazz et classique, projection de photos d’une belle vie d’homme agrémentée de dessins humoristiques. Le ton était juste, ému, recueilli sans être exempt de légèreté.
Quand le maître de cérémonie invita l’assistance à venir faire un ultime geste, chacun alla déposer sur le cercueil quelques pétales de roses et une pincée de sable. Puis quatre porteurs des pompes funèbres, au son d’une polyphonie corse, montèrent solennellement le corps en haut des marches. Et l’on attendit.
Mais ce matin-là, la machinerie du lieu était en panne. Le mort refusait de partir. Le maître de cérémonie descendit précipitamment pour informer la famille et se confondre en excuses, à la manière d’un présentateur télé : « Nous avons un petit problème technique, je vous demande de patienter quelques instants ». Il coupa la musique. On attendit encore un peu. Rien. La famille décida de redescendre le défunt à l’épaule. Dans leur hâte les croque-morts oublièrent de bien le tenir à l’horizontale. Les deux de devant se prirent sur la tête une pluie de sable et de roses. On rit. L’un des enfants alla dire au micro : — Tout ça ressemble bien à Papa !
Un autre a ajouté qu’il aurait réparé ça en moins de deux !
Ingénieux architecte, humaniste et bon vivant, discret et irrévérencieux …c’était le dernier clin d’oeil de l’oncle Paoli, son pied de nez à la Camarde.