Un jour, il s’agira de monter dans la barque et de gagner l’autre rive, celle qu’on ne voit pas. Vous n’aurez pas le choix. Le temps sera maussade. À peine aurez-vous quitté l’embarcadère qu’un grand vent se lèvera. Votre esquif roulera et tanguera, chahuté par la houle. Vous serez dans l’obscurité. Vous aurez peur. Vous serez perdu.
Il se peut que quelqu’un, émergeant de la nuit et marchant sur les eaux, vienne alors à votre rencontre ; qu’à sa vue vous soyez saisi d’une crainte plus grande encore que celle de la tempête ; qu’il vous dise « N’ayez pas peur », et que la barque touche terre, de l’autre côté.
Il se peut aussi que vous tombiez à l’eau, et que cette histoire de traversée s’arrête là. Il se peut même qu’elle se termine au moment même où vous monterez dans la barque, car elle ne s’adresse qu’à ceux qui demeurent sur la rive, inquiets de votre départ et de ce qui vous (et donc les) attend.
Quelle fin choisir ? Que croire ? Et se pourrait-il enfin que selon que vous optez pour l’une ou l’autre version, ce soit celle que vous aurez retenue qui réellement vous advienne ?
« Le soir venu, les disciples de Jésus descendirent au bord du lac. Ils s’embarquèrent pour gagner l’autre rive. Déjà il faisait nuit et Jésus ne les avait pas encore rejoints. Un grand vent se mit à souffler et le lac devint houleux. Les disciples avaient ramé pendant cinq mille mètres environ, lorsqu’ils virent Jésus qui marchait sur la mer et se rapprochait de la barque. Alors ils furent saisis de crainte. Mais il leur dit : “C’est moi. N’ayez pas peur.” Aussitôt, la barque toucha terre là où ils se rendaient. » Evangile selon Saint Jean 6, 16-21
La mort est un sommeil sans rêves (André Castelot)